Le Sénat vient de porter un coup aux ambitions écologiques européennes en refusant d’inscrire dans la loi française l’interdiction de la vente de voitures thermiques neuves en 2035.
Industrie automobile : le Sénat prend la défense des moteurs thermiques

Dans la nuit du 11 au 12 mars 2025, le Sénat a adopté un projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne en refusant d’inscrire dans la législation française l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs dès 2035. Cette échéance, imposée par Bruxelles, reste donc un objectif européen, mais sans transposition dans le droit français. De plus, les sénateurs ont repoussé de quatre ans la mise en place des obligations de comptabilité verte pour les entreprises.
Le Sénat défie Bruxelles : pourquoi rejeter l’interdiction des voitures thermiques ?
Le texte voté par le Sénat refuse d'aligner la France sur l’échéance de 2035 prévue par l’Union européenne pour la fin des ventes de voitures thermiques neuves. La droite sénatoriale, largement majoritaire, s’appuie sur la "clause de revoyure" prévue en 2026 par l'Union européenne. Cette clause prévoit une réévaluation de la faisabilité de l’interdiction.
Par ailleurs, la France avait déjà fixé l'échéance de 2040 pour la fin du thermique dans son droit national. Les sénateurs estiment que cette transposition dans la loi française, avant même la révision européenne, serait prématurée et sans véritable effet contraignant. Ils préfèrent maintenir la date actuelle et attendre de voir si l’Union européenne confirme ou non son objectif de 2035.
Cette décision ne fait pas l’unanimité. Le gouvernement et la gauche dénoncent un affaiblissement des engagements climatiques de la France. Marc Ferracci, ministre de l’Industrie, rappelle que "la plupart des constructeurs et des équipementiers ne contestent pas l’objectif de 2035, mais demandent de la souplesse". En d’autres termes, si l’industrie automobile accepte la transition, elle souhaite un cadre plus adaptable. La majorité sénatoriale ne s’oppose donc pas frontalement à la fin du thermique en 2035, mais elle refuse d’en faire une obligation nationale avant la réévaluation de Bruxelles.
Industrie automobile, écologie et politique : une bataille d’intérêts
Le débat dépasse largement la seule question de la date. Il oppose plusieurs visions de l’avenir automobile français. D’un côté, l’industrie automobile plaide pour une transition progressive. Les constructeurs et équipementiers affirment soutenir l’objectif de 2035 mais réclament des ajustements pour éviter une montée en flèche des coûts de production, qui se répercuterait sur les consommateurs. Une transition trop brutale vers le tout-électrique risquerait également d’avoir un impact négatif sur l’emploi dans le secteur automobile, notamment parmi les sous-traitants spécialisés dans les moteurs thermiques.
La droite sénatoriale justifie son choix par une approche économique pragmatique. Elle met en avant les conséquences d’une interdiction trop rapide du thermique, qui fragiliserait les entreprises et affaiblirait la compétitivité industrielle de la France. Pour les sénateurs LR, imposer dès maintenant l’échéance de 2035 dans la loi française, alors qu’elle pourrait être révisée en 2026 par l’Union européenne, serait une prise de risque inutile.
À l’opposé, la gauche et les écologistes dénoncent un net recul des ambitions climatiques. Yannick Jadot, sénateur écologiste, considère cette décision comme "une balle dans le pied" pour la France, alors que Simon Uzenat, sénateur socialiste, parle d’une "dramatique sous-ambition". Pour eux, cette position envoie un signal négatif, suggérant que la France freine sa transition écologique plutôt que de l’accélérer.
Les entreprises échappent (provisoirement) à la comptabilité verte
Outre la question des voitures thermiques, le Sénat a également voté un report de quatre ans pour la mise en place des obligations de comptabilité verte des entreprises. La directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) impose aux entreprises de publier des informations sur leur impact environnemental. Initialement prévue dès 2026, cette obligation est repoussée à 2030.
Les sénateurs LR estiment que cette obligation constitue une contrainte excessive, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Ils considèrent qu’alourdir les exigences administratives et comptables dans un contexte économique incertain mettrait en difficulté de nombreuses structures. Les lobbies patronaux ont largement soutenu cette décision, arguant qu’elle évitera une charge bureaucratique trop lourde.
Si la gauche critique ce report comme un affaiblissement de la responsabilité environnementale des entreprises, le gouvernement, par la voix de Marc Ferracci, reconnaît qu’il faut "trouver une voie de passage entre contraintes environnementales et réalités économiques". Ce report est donc perçu par certains comme un coup de pouce aux entreprises et par d’autres comme un recul de l’engagement climatique.
Un texte qui devra encore passer l’épreuve du Parlement
Rien n’est encore définitif. Le texte doit maintenant être débattu en commission mixte paritaire, où députés et sénateurs devront trouver un compromis. Trois scénarios sont possibles. Le premier serait que le rejet de la transposition de 2035 soit confirmé, maintenant ainsi le même état à 2040. Le second serait qu’un compromis soit trouvé, avec une transposition flexible incluant des clauses de révision. Enfin, le dernier scénario verrait l’Assemblée nationale imposer son veto, obligeant une nouvelle lecture et relançant ainsi le débat politique.