Macron prêt à reconnaître la Palestine : la France à la croisée des chemins diplomatiques

Un vieux projet diplomatique refait surface, dans un contexte international plus explosif que jamais. En pleine guerre entre Israël et le Hamas, Emmanuel Macron, donc la France, pourrait reconnaître l’Etat de Palestine.

Adelaide Motte
By Adélaïde Motte Published on 10 avril 2025 9h08
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Macron prêt à reconnaître la Palestine : la France à la croisée des chemins diplomatiques - © PolitiqueMatin

Le président français a ouvert une brèche dans la politique moyen-orientale européenne. Le 9 avril, dans l'émission "C à vous" sur France 5, Emmanuel Macron a déclaré que la France pourrait reconnaître l’État de Palestine « quelque part en juin », à l’occasion d’une conférence internationale coorganisée avec l’Arabie saoudite à New York. Une annonce qui intervient alors que la guerre entre Israël et le Hamas continue de ravager la bande de Gaza depuis l’attaque du 7 octobre 2023.

Reconnaissance de la Palestine : une stratégie diplomatique ou un pari risqué ?

Ce n’est pas une première dans l’histoire de la diplomatie française : la question d’une reconnaissance officielle de la Palestine par Paris traîne depuis des décennies dans les limbes du Quai d’Orsay. Mais cette fois, le chef de l’État a été limpide : « On doit aller vers une reconnaissance, et donc dans les prochains mois, on ira », a-t-il affirmé sur le plateau de l’émission C à vous.

À l’appui de ce calendrier inédit, une ambition : faire de cette reconnaissance un levier diplomatique multilatéral, non un geste unilatéral. Emmanuel Macron a souligné qu’il ne s’agit « pas de le faire pour faire plaisir à un tel ou un tel mais parce que ce sera juste », ajoutant que cette démarche doit s’inscrire dans « une dynamique collective » où la reconnaissance de la Palestine serait accompagnée d’une reconnaissance d’Israël par des pays arabes qui s’y refusent encore.

Dans une formule on ne peut plus explicite, il a précisé vouloir « permettre à tous ceux qui défendent la Palestine de reconnaître à leur tour Israël », ciblant nommément « ceux qui nient le droit d’Israël à exister, ce qui est le cas de l’Iran ». Derrière cette déclaration se profile un objectif plus large : la sécurité collective de la région, par une double reconnaissance croisée, pierre angulaire de la solution à deux États.

Palestine : entre clivage politique et guerre des récits en France

Les réactions n’ont pas tardé. Et elles sont aussi tranchées que prévisibles. La gauche, dans sa majorité, salue un virage attendu depuis longtemps. Le chef de file de La France Insoumise, Mathilde Panot, n’a pas mâché ses mots : « Enfin. Après près de deux ans de génocide à Gaza, la France envisage enfin de reconnaître l’État de Palestine. » Elle rappelle que « 147 pays l'ont déjà fait » et exige que « ce geste arraché de haute lutte se traduise en acte ».

François Hollande, moins flamboyant mais tout aussi favorable, juge l’initiative positive à condition qu’elle favorise la réciprocité. « Ce qui compte, c’est qu’un jour il puisse y avoir un État palestinien, mais que le Hamas ne soit pas dans cet État », a-t-il déclaré sur RTL, mettant en garde contre toute complaisance envers les groupes terroristes.

Côté majorité, le président des députés Modem Marc Fesneau valide l’approche d’une reconnaissance mutuelle, parlant d’« une bonne idée », mais « à condition que les parties se reconnaissent mutuellement ». Il fustige notamment l’intention du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu « d’évacuer l’idée d’un État palestinien, quitte à occuper tout le territoire ».

Mais à l’extrême droite, la réaction est diamétralement opposée. Le vice-président du Rassemblement National, Sébastien Chenu, condamne une décision "prématurée", qu’il assimile à une récompense pour la violence : « C’est envoyer un signal : "faites du terrorisme et on vous reconnaîtra des droits" », déclare-t-il sur LCI. Il soupçonne Emmanuel Macron d’agir pour des raisons électoralistes, « probablement pour envoyer des signaux à une partie de la population française » — comprendre les électeurs issus de l’immigration ou de gauche radicale.

Conférence internationale : l’Arabie saoudite comme arbitre improbable

Le calendrier diplomatique s’accélère. D’ici juin, la France doit co-présider à New York avec Riyad une conférence internationale sur la Palestine. Une initiative qui, selon Macron, pourrait « finaliser ce mouvement de reconnaissance réciproque par plusieurs [États] ».

Le choix de l’Arabie saoudite comme partenaire stratégique dans cette entreprise n’est pas anodin. Longtemps prudente, Riyad n’a toujours pas reconnu Israël mais multiplie les signaux d’ouverture depuis les accords d’Abraham. Si elle devait accepter le deal proposé par Paris — reconnaissance d’Israël contre reconnaissance palestinienne par la France —, ce serait un tournant majeur pour la région.

Reconnaissance de la Palestine : un acte politique ou symbolique ?

La France n’est pas isolée. Depuis des années, plus de 150 pays ont reconnu un État palestinien, dont la majorité des pays du Sud, mais aussi certains États membres de l’Union européenne. Le geste français, s’il se concrétise, renforcerait la légitimité diplomatique de la Palestine sans changer le rapport de force sur le terrain — à moins qu’il ne serve de catalyseur pour une relance des négociations.

Reste la question : Macron aura-t-il le courage d’aller jusqu’au bout ? Et surtout, ce geste aura-t-il des effets tangibles alors que les bombes continuent de tomber sur Gaza et que le Hamas refuse toujours la légitimité de l’État israélien ?

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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