Suicides à l’hôpital : Elisabeth Borne et Christine Vautrin visées par la justice

Une action judiciaire vise trois membres du gouvernement pour leur responsabilité présumée dans la crise du système hospitalier. Les plaignants dénoncent un harcèlement moral institutionnel aux conséquences dramatiques.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 14 avril 2025 10h31
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Le 14 avril 2025, une plainte visant trois membres du gouvernement français, Catherine Vautrin, Élisabeth Borne et Yannick Neuder, a été déposée devant la Cour de justice de la République. Cette démarche, enclenchée dans un contexte de souffrance endémique à l’hôpital, suscite une onde de choc politique.

Hôpital en détresse : pourquoi des soignants saisissent la justice contre des ministres

Le cœur du scandale repose sur une plainte déposée jeudi 11 avril 2025, confirmée le 14 avril, par dix-neuf plaignants. Parmi eux : des infirmiers, des directeurs d’établissement hospitalier, des professeurs des universités-praticiens hospitaliers, ainsi que des proches de soignants suicidés. Ils s’attaquent à trois figures du pouvoir exécutif, Catherine Vautrin, ministre de la Santé et du Travail ; Élisabeth Borne, ministre de l’Enseignement supérieur ; et Yannick Neuder, ministre délégué à l’Accès aux soins.

Leur démarche ? Une plainte pour harcèlement moral, homicide involontaire, violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner et mise en danger de la vie d’autrui. Le texte, révélé par France Inter et Le Monde, évoque une "crise majeure de l’hôpital public", aggravée selon les plaignants depuis 2012-2013 et encore intensifiée après la crise du Covid-19.

L’avocate des plaignants, Me Christelle Mazza, mobilise la jurisprudence France Télécom (2022) pour appuyer son propos : « La jurisprudence France Télécom doit s’imposer aux ministres comme à n’importe quel chef d’entreprise au nom du principe d’égalité devant la loi, en particulier quand il y a de telles atteintes à l’intégrité de la personne », a-t-elle déclaré auprès de l’AFP.

Les ministres visés dans un système accusé d’écraser ses propres agents

Le fond de la plainte ne vise pas seulement des individus, mais une structure, un mode de gouvernance. Ce que dénonce Me Mazza, c’est un harcèlement institutionnel érigé en méthode de gestion. Elle parle sans détour d’"organisation de la désorganisation institutionnelle", et fustige un système "où l’État instrumentalise le dévouement des soignants pour les écraser".

Des cas précis étayent cette accusation : des suicides dans des hôpitaux situés à Béziers, dans les Yvelines et en Alsace. Des exemples concrets qui fondent la démarche judiciaire sur des faits tangibles. À cela s’ajoute un constat récurrent : les alertes systématiques remontées par les services hospitaliers seraient ignorées.

Ces alertes visent des "conditions de travail totalement illégales et mortifères", des "rythmes insoutenables" et une "impunité organisée".

Suicides à l’hôpital : chiffres en hausse, réponses en berne

Cette plainte survient dans un contexte d’augmentation alarmante des suicides parmi les personnels hospitaliers. Si les données nationales ne sont pas toujours consolidées, plusieurs rapports évoquent un accroissement significatif depuis le printemps 2020. Or, le sujet demeure encore tabou dans l’espace politique.

Il faut rappeler que depuis plus d’une décennie, l’hôpital public est pris dans un étau budgétaire, souvent dénoncé par les syndicats de santé. Plans d’économie, fermetures de lits, fusions de services, manque de personnel : la liste des maux est longue.

Mais cette plainte franchit un seuil inédit : elle fait porter la responsabilité pénale de cette situation à des membres du gouvernement en exercice.

Quelles suites pour une plainte aussi explosive ?

La plainte a été déposée devant la Cour de justice de la République (CJR), seule juridiction compétente pour juger les membres du gouvernement pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions. Elle devra d’abord passer par une phase d’examen de recevabilité, puis, si validée, par une éventuelle instruction.

Jusqu’ici, aucune des trois personnalités visées n’a publiquement réagi. Selon Midi Libre, "l’entourage de Catherine Vautrin n’a pas souhaité faire de commentaire à ce stade" et "Élisabeth Borne n’était pas joignable dans l’immédiat".

Ce que cette affaire révèle, au-delà de son aspect judiciaire, c’est une fracture béante entre l’État et ses soignants. Non pas un simple conflit d’organisation, mais une rupture de confiance et de reconnaissance.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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