Le 14 avril 2025, Nvidia a annoncé que ses supercalculateurs et ses processeurs d’intelligence artificielle seraient désormais fabriqués aux États-Unis. Une décision stratégique qui intervient dans un contexte de guerre commerciale relancée par l’administration Trump. Derrière les chiffres d’investissement colossaux, un virage géopolitique s’opère : l’industrie des semi-conducteurs devient l’arme économique de la souveraineté américaine.
Trump, puces et protectionnisme : Nvidia s’installe aux USA

La politique tarifaire de Trump redessine les circuits mondiaux
Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a réactivé les leviers protectionnistes les plus radicaux. Le 3 avril 2025, son administration a imposé une salve de droits de douane :
- 34 % sur les importations électroniques chinoises
- 32 % sur celles de Taïwan
- 25 % sur celles de Corée du Sud
- Un tarif universel de 10 % sur toutes les importations technologiques
Si les semi-conducteurs sont momentanément exemptés, cette protection est jugée précaire. Les entreprises anticipent des sanctions étendues aux composants intégrés. Nvidia, dont les puces étaient auparavant assemblées à Taïwan, fait partie des sociétés directement exposées.
Nvidia pivote : 500 milliards de dollars injectés dans le sol américain
Face à l’instabilité douanière, Nvidia a réagi de manière spectaculaire. L’entreprise prévoit désormais de produire :
- Ses puces Blackwell en Arizona, via TSMC, Amkor et SPIL
- Ses superordinateurs DGX au Texas, avec Foxconn (Houston) et Wistron (Dallas)
Cette relocalisation massive représente un investissement prévu de 500 milliards de dollars sur quatre ans, comme confirmé par le blog officiel de Nvidia : « Les moteurs de l’infrastructure IA mondiale sont désormais construits pour la première fois aux États-Unis. » La Maison-Blanche ne cache pas sa satisfaction, revendiquant un effet Trump.
Le CHIPS Act : entre appropriation et réorientation trumpienne
Promulgué en 2022 sous l’administration Biden, le CHIPS and Science Act prévoyait 52,7 milliards de dollars de subventions pour relocaliser la fabrication des semi-conducteurs. Trump, initialement hostile à cette loi, en détourne aujourd’hui la finalité :
- Le 31 mars 2025, il signe un décret présidentiel créant une entité exécutive dédiée à la gestion directe des crédits du CHIPS Act.
- Le Department of Defense investit de son côté 160 millions de dollars supplémentaires via le programme Microelectronics Commons, destiné à soutenir des hubs technologiques à usage civil et militaire.
TSMC, partenaire de Nvidia, bénéficie déjà de 6,6 milliards de dollars de subventions publiques, avec une promesse d’investissement supplémentaire de 100 milliards de dollars sur le territoire américain.
Une stratégie industrielle soutenue par la menace fiscale
La relocalisation de Nvidia n’est pas motivée uniquement par les subventions. Elle répond à une stratégie de contournement des taxes douanières. Jensen Huang, PDG de Nvidia, l’explique sans détour : « Ajouter la fabrication américaine nous permet de répondre à la demande explosive de puces IA, de renforcer notre chaîne d’approvisionnement et d’améliorer notre résilience. » Dans les faits, il s’agit de sécuriser les flux logistiques à l’heure où les chaînes asiatiques sont fragilisées. Les incertitudes tarifaires deviennent un facteur de risque industriel comparable aux perturbations liées à la pandémie ou aux tensions sino-américaines.
Trump s’empare du cas Nvidia comme preuve de son efficacité économique. La communication officielle présente cette annonce comme la validation de sa stratégie tarifaire. Pourtant, ce redéploiement industriel s’appuie sur des outils hérités de ses adversaires démocrates : subventions fédérales, incitations fiscales, politiques publiques d’innovation. La rhétorique présidentielle masque mal les contradictions : le CHIPS Act est menacé de réforme voire de suppression par Trump lui-même, alors même qu’il alimente aujourd’hui la transformation industrielle vantée par son gouvernement.