IFI : Conserver l’ISF aurait permis de financer les retraites

Depuis 2018, l’État a remplacé l’ISF par l’IFI. Une réforme marquante, motivée par la volonté de stimuler l’investissement productif. Mais les chiffres montrent une autre réalité : des milliards évaporés. Or, pendant ce temps, le système de retraites creuse inexorablement son déficit.

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By Paolo Garoscio Published on 16 avril 2025 8h39
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IFI : Conserver l’ISF aurait permis de financer les retraites - © PolitiqueMatin

Le 15 avril 2025, la Direction générale des finances publiques a publié le détail des recettes de l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour l’année 2024. Cet impôt, créé pour remplacer l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2018, rapporte bien moins que son prédécesseur. La comparaison avec les besoins de financement du système de retraites français, structurellement déficitaire, met en évidence une perte d’opportunité budgétaire significative.

IFI contre ISF : une réforme à 2,8 milliards d’euros par an

L’IFI, en vigueur depuis le 1er janvier 2018, ne concerne que le patrimoine immobilier, à l’exclusion des actifs financiers, des œuvres d’art ou encore des liquidités. Résultat immédiat : une base imposable largement réduite.

En 2017, la dernière année pleine d’application de l’ISF, l’impôt rapportait environ 5 milliards d’euros à l’État. En 2018, première année de l’IFI, les recettes chutent à 1,9 milliard d’euros. En 2024, l’impôt sur la fortune immobilière atteint 2,2 milliards d’euros, selon les données officielles publiées par la DGFIP. La différence annuelle moyenne, entre 2018 et 2024, s’établit donc à 2,8 milliards d’euros. Sur sept ans, la perte fiscale cumulée atteint 19,6 milliards d’euros. Une somme qui n’a pas été compensée par d’autres recettes spécifiques.

19,6 milliards d’euros, soit trois années de déficit des retraites

Le Conseil d’orientation des retraites (COR) et la Cour des comptes estiment à 6,6 milliards d’euros le déficit du système de retraites pour l’année 2025. Ce déficit est jugé structurel et devrait se maintenir, voire s’accentuer, dans les prochaines décennies. Le COR ne prévoit aucun retour à l’équilibre avant 2070, tous scénarios confondus.

Ainsi, les 19,6 milliards d’euros « manqués » depuis la réforme de 2018 représentent l’équivalent de près de trois exercices budgétaires complets pour couvrir le déficit annuel actuel des retraites.

Détail du rendement 2024 de l’IFI : 186 000 foyers, 2,2 milliards collectés

En 2024, 186 000 foyers fiscaux ont été redevables de l’IFI, contre 176 000 en 2023. Le patrimoine immobilier net moyen déclaré est de 2,5 millions d’euros. Ces foyers ont un revenu fiscal moyen de 281 000 euros, selon les données croisées de la DGFIP.

Le patrimoine immobilier brut cumulé atteint 544 milliards d’euros, pour une base nette taxable de 467 milliards d’euros. Le taux d’imposition varie entre 0,5 % et 1,5 %, après déductions et abattements.

En parallèle, environ 200 millions d’euros de réductions d’impôt ont été appliqués via les mécanismes d’investissement dans les PME (111 millions) et de dons aux œuvres (65 millions), contribuant à réduire encore la pression fiscale réelle sur ces patrimoines.

L’argument de l’investissement productif : un lien encore flou

La réforme de 2018 reposait sur un objectif : orienter le capital vers l’investissement productif en détaxant les avoirs financiers. Mais aucun indicateur public n’a démontré à ce jour que la suppression de l’ISF a eu un effet mesurable sur l’investissement des ménages aisés dans les entreprises françaises. Le rapport 2022 de France Stratégie signalait d’ailleurs que « les données actuelles ne permettent pas de conclure à un effet significatif de la réforme de l’ISF sur l’investissement productif domestique ». Depuis, aucun autre rapport officiel ne vient appuyer l’argument initial de la réforme.

L’augmentation des déficits publics, notamment ceux liés aux retraites, relance le débat sur la justice fiscale et la contribution des patrimoines élevés. Le ministre chargé des Comptes publics, Amélie de Montchalin, déclarait récemment au Dauphiné : « L’idée d’un taux d’impôt minimum paraît bonne, notamment sur les patrimoines, pour lutter contre les abus les plus caractérisés », relaye Sud Ouest.

À ce jour, aucun projet de loi ne prévoit de rétablir une taxation sur le capital financier, mais plusieurs voix politiques, y compris dans la majorité présidentielle, réclament un réexamen global de la fiscalité du patrimoine dans un contexte budgétaire sous tension.

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Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013. Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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