Le débat sur la place de l’administration publique ressurgit, porté cette fois par les résultats d’un sondage révélateur sur les fonctionnaires. Entre attentes citoyennes et stratégie gouvernementale, l’équilibre budgétaire reste un terrain de tensions.
Y a-t-il vraiment trop de fonctionnaires en France ?

Le 17 avril 2025, les résultats d’une enquête menée par l’Institut CSA pour CNEWS, Europe 1 et Le Journal du Dimanche ont été rendus publics, relançant les discussions sur la pertinence et la soutenabilité des effectifs de fonctionnaires de la fonction publique en France. Si les Français apparaissent partagés, une majorité relative se déclare favorable à une réduction des personnels de l’État, des collectivités et des services hospitaliers. Cette perception, loin d’être homogène, varie fortement selon l’âge, la catégorie sociale et l’affiliation politique.
Une population française divisée sur les fonctionnaires
L’enquête conduite les 15 et 16 avril auprès d’un panel représentatif de 1 002 personnes confirme une stabilité du clivage sur cette question. La moitié des répondants considère que les agents publics sont trop nombreux, tandis que l’autre moitié juge leur présence nécessaire ou insuffisante. Ce niveau d’opinion n’est pas nouveau mais reflète un durcissement de la polarisation sociale, dans un contexte où le gouvernement envisage de nouvelles coupes budgétaires.
Comparé à une précédente enquête réalisée en 2021 où cette opinion atteignait 53 %, la tendance est en légère baisse, mais reste significative. Ce jugement intervient dans une séquence politique où la maîtrise des finances publiques est au cœur de l’agenda de l’exécutif, qui anticipe un ajustement structurel dès le projet de loi de finances 2026.
Âge, genre, statut : les déterminants sociaux d’une opinion contrastée
Le rejet d’un effectif de fonctionnaires jugé excessif n’est pas partagé uniformément dans la population. Le sondage met en évidence des écarts sensibles selon plusieurs critères socio-démographiques. Parmi les plus âgés (65 ans et plus), le constat d’un sureffectif est nettement majoritaire. Les générations intermédiaires expriment également une insatisfaction relative, notamment chez les 25-34 ans. En revanche, les jeunes adultes de moins de 25 ans et les actifs entre 35 et 49 ans affichent une opinion plus favorable au maintien des effectifs actuels, voire à leur renforcement.
Du côté des sexes, une distinction légère mais significative apparaît : les hommes se montrent globalement plus critiques envers le volume de la fonction publique que les femmes, plus nombreuses à en défendre la nécessité.
Concernant le statut professionnel, les écarts sont faibles mais lisibles. Les cadres et professions intellectuelles supérieures (CSP+) sont aussi nombreux que les inactifs à souhaiter une baisse des effectifs, tandis que les employés et ouvriers (CSP-) sont plus enclins à juger les effectifs actuels justifiés.
Des clivages partisans fortement marqués dans la perception du service public
C’est toutefois sur le terrain politique que les différences sont les plus nettes. L’attitude à l’égard des fonctionnaires révèle une césure très marquée entre les blocs idéologiques. À gauche, une large majorité des sympathisants des partis écologiste, socialiste et de La France insoumise refuse l’idée d’un excès de personnels publics. Ils y voient une nécessité pour garantir la continuité des services et défendre l’égalité d’accès sur l’ensemble du territoire.
À droite, en revanche, les critiques sont majoritaires. Les soutiens des Républicains ou du Rassemblement national estiment à des niveaux élevés que les effectifs sont trop importants. L’argument avancé est souvent celui de la rationalisation de l’action publique et de la lutte contre ce qui est perçu comme une bureaucratie coûteuse.
Les électeurs proches de la majorité présidentielle adoptent une position intermédiaire. Ils se montrent favorables à des ajustements, tout en reconnaissant le rôle structurant de la fonction publique dans certains domaines comme l’éducation ou la santé.
Un contexte budgétaire qui alimente les inquiétudes sur la soutenabilité de l’État
Les réponses du sondage s’inscrivent dans un climat de vigilance budgétaire accru. Le 14 avril, Matignon a installé un comité d’alerte sur les finances publiques, visant à mieux encadrer les engagements de dépenses de l’État à l’horizon 2026. Ce cadrage intervient alors que les rémunérations des agents publics ont représenté, en 2023, un peu plus de 346 milliards d’euros, soit environ 12 % du produit intérieur brut (PIB), selon une analyse du site Fipeco.
À l’échelle européenne, la France figure dans la moyenne haute des dépenses de personnel public, derrière les pays scandinaves mais devant l’Allemagne ou les Pays-Bas. Toutefois, une note de l’OCDE publiée en 2023 souligne que la progression des effectifs publics a été moins rapide que celle du privé en France entre 2019 et 2021. Ces données nuancent l’idée d’un dérapage incontrôlé.
Par ailleurs, selon les chiffres communiqués par le ministère de la Fonction publique, le pays comptait 3,75 millions de fonctionnaires en 2024, soit une diminution de 22 000 postes en un an.