Alors que Berlin peine à trancher sur l’envoi des missiles Taurus à Kiev, Moscou hausse brutalement le ton. Pour Vladimir Poutine, une telle décision acterait l’entrée en guerre de l’Allemagne aux côtés de l’Ukraine. De quoi secouer un gouvernement pas encore formé, et déjà fracturé.
Ukraine : Poutine menace l’Allemagne d’acter son entrée en guerre

Les Taurus dans le viseur russe, et celui des sociaux-démocrates
Le 7 avril 2025, la nouvelle coalition allemande CDU-SPD sortait enfin des limbes. Après plus d'un mois de tractations, 192 émissaires issus des deux camps avaient accouché d’un programme de 146 pages, présenté comme une « savante composition » entre visions contradictoires. Mais ce compromis politique, bâti dans l’urgence après l’effondrement de la précédente majorité de Scholz en novembre 2024, se heurte déjà à un dossier brûlant : les missiles Taurus.
Le futur chancelier Friedrich Merz, chef de la CDU, s’est dit ouvert à leur livraison, à condition d’un accord européen. Une position claire. Mais aussitôt contredite par son partenaire de coalition. Le SPD, resté sur la ligne prudente d’Olaf Scholz, bloque. Résultat : un exécutif divisé sur une question que Moscou transforme en ultimatum.
La Russie ne tergiverse plus. Le 17 avril, sa diplomatie a tranché : « Une frappe avec ces missiles contre des installations russes (...) sera considérée comme une participation directe de l’Allemagne aux hostilités au côté du régime de Kiev, avec toutes les conséquences que cela implique ». La porte-parole du ministère précise que ces tirs seraient « impossibles sans l’assistance directe de la Bundeswehr ». Autrement dit : si l’Ukraine tire, l’Allemagne sera tenue pour responsable.
Le message est limpide. Et il embarrasse Berlin. Car le Taurus, missile de croisière d’une portée de plus de 500 km, donnerait à Kiev la capacité de frapper en profondeur la Russie. Il permettrait même, selon des propos confidentiels relayés par des médias pro-russes, de viser le pont de Kertch, qui relie la Russie et la Crimée, annexée en 2014.
Mais si la menace est claire à l’Est, elle l’est tout autant à l’intérieur. Le SPD, par la voix de Matthias Miersch, reste inflexible : « Nous avons toujours été contre » la livraison, affirmant que l’Allemagne ne doit « pas contribuer à une escalade » ni « devenir une partie au conflit ».
Allemagne : Merz déjà sous pression ?
« L’Allemagne est de retour », annonçait triomphalement Friedrich Merz le 9 avril 2025. Mais cette ambition de leadership européen se heurte à un partenaire prudent, presque rétif. Le SPD ne veut pas d’un geste qui lierait Berlin aux frappes ukrainiennes. Et le ministre de la Défense sortant, Boris Pistorius, temporise : « Il y a de bons arguments pour la livraison […] et beaucoup de bons arguments contre ».
Merz avait pourtant placé son entrée en fonction sous le signe de la relance économique et de la puissance stratégique. Le plan d’investissements prévoit près de 1 000 milliards d’euros injectés dans la défense et les infrastructures.
En apparence, le Taurus est un dossier technique. En réalité, il incarne l’incompatibilité idéologique entre partenaires de gouvernement. Le SPD campe sur une ligne pacifiste, refusant toute action perçue comme un engagement direct. La CDU, elle, pousse à assumer la responsabilité stratégique d’un soutien fort à Kiev.
Friedrich Merz doit encore être élu chancelier début mai 2025, mais déjà son autorité est ébréchée. Pendant ce temps, Moscou en profite pour souffler sur les braises.