Une initiative parlementaire vise à autoriser, sous conditions, l’ouverture des commerces dits essentiels le 1er mai. Portée par des sénateurs centristes avec le soutien du gouvernement, la proposition ravive des tensions politiques et syndicales autour du statut de cette journée emblématique autour de la fête du travail.
Fête du Travail : le Sénat ne veut plus du sacré “jour chômé” du 1er mai

Le 1er mai 2025, jour consacré à la fête du travail et historiquement chômé, pourrait bientôt connaître une évolution législative. Une proposition de loi déposée par des sénateurs centristes ambitionne d’autoriser l'ouverture de certaines catégories de commerces, principalement les boulangeries et les fleuristes, à condition de respecter le volontariat des salariés. Le gouvernement a rapidement exprimé son soutien au texte, tandis que plusieurs syndicats et élus d’opposition dénoncent une atteinte au caractère symbolique du 1er mai.
Une réponse législative à une situation juridique floue
L'initiative parlementaire trouve son origine dans une série de contrôles opérés par l'inspection du travail en mai 2024 à l’encontre de boulangers de Vendée, sanctionnés pour avoir ouvert leurs établissements en violation présumée du Code du travail. La situation révélait une faille réglementaire : bien que certaines activités bénéficient de dérogations dominicales, leur ouverture le 1er mai restait encadrée de manière ambiguë.
La proposition portée par Annick Billon et Hervé Marseille entend clarifier cette situation en inscrivant dans la loi la possibilité pour les commerces habituellement autorisés à ouvrir le dimanche de fonctionner également le 1er mai. La liste des activités concernées serait précisée par décret, permettant notamment aux boulangers, fleuristes et commerces de bouche de continuer à exercer ce jour particulier sans s'exposer à des sanctions administratives.
Selon les auteurs du texte, il ne s'agit pas de remettre en cause le caractère férié du 1er mai, mais d’adapter le droit aux réalités économiques et sociales locales, notamment dans les zones touristiques où la demande est forte.
Le soutien du gouvernement et les garanties apportées
Le projet bénéficie du soutien affirmé du gouvernement. La ministre du Travail, Catherine Vautrin, a indiqué que cette proposition vise à "sécuriser juridiquement les activités indispensables, dans le respect absolu du volontariat". Selon l’exécutif, la clarification législative répond à une demande des professionnels concernés tout en garantissant que le travail ce jour-là ne sera ni imposé ni banalisé.
La question du volontariat est au cœur du dispositif. Aucune obligation ne pourra être imposée aux salariés qui souhaiteraient ne pas travailler le 1er mai, les employeurs devant obtenir leur accord explicite. De plus, la rémunération ferait l'objet de majorations spécifiques conformément au droit du travail applicable aux jours fériés.
Le gouvernement souhaite également éviter toute extension incontrôlée du champ d’application. En réservant la possibilité d’ouvrir aux seuls établissements déjà couverts par les dérogations dominicales, il entend maintenir le caractère exceptionnel de cette mesure.
Une date hautement symbolique pour les syndicats
Malgré les assurances, la proposition de loi suscite une vive opposition du côté syndical. Pour la CGT, représentée par sa secrétaire générale Sophie Binet, l'ouverture des commerces le 1er mai constituerait un précédent dangereux. Le syndicat rappelle que cette date, instaurée comme jour chômé en 1947, est l’une des rares conquêtes ouvrières gravées dans le Code du travail.
La CGT redoute que cette initiative ne soit la première étape d'une remise en cause progressive du caractère chômé et férié du 1er mai, comparable à l’évolution du travail dominical. Pour Sophie Binet, "ouvrir la porte à l'exception, c'est fragiliser un symbole social majeur", faisant écho aux critiques formulées par plusieurs organisations de salariés.
Les syndicats dénoncent également le risque d'une pression indirecte exercée sur les travailleurs, même sous couvert de volontariat, dans des secteurs où la dépendance économique rendrait difficile un refus sans conséquence.
Des clivages politiques nets autour du projet
Sur le plan politique, la proposition divise. Si plusieurs parlementaires Les Républicains soutiennent l’initiative, d'autres s'y opposent, dénonçant une dérive susceptible d'affaiblir les droits sociaux. À gauche, la critique est quasi-unanime : les sénateurs socialistes et écologistes fustigent une logique qu'ils estiment contraire à l’esprit du 1er mai.
À l’inverse, certains députés du du Rassemblement National sont d'accord, comme Julien Odoul qui a justifié son soutien en invoquant "la nécessité de libérer le travail et de ne pas empêcher ceux qui souhaitent travailler". Le RN considère la mesure comme une réponse pragmatique aux besoins des petites entreprises.
La majorité présidentielle adopte une position modérée, insistant sur l'équilibre trouvé entre respect des droits acquis et adaptation au contexte économique.