Rougeole : la France paie-t-elle sa stratégie vaccinale ?

La résurgence de la rougeole en France en 2024 remet au centre des débats la solidité des politiques publiques de vaccination.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 29 avril 2025 9h25
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Le 28 avril 2025, Santé publique France a dévoilé son rapport annuel consacré à la rougeole. Le constat est sans ambiguïté : le nombre de cas recensés en 2024 est quatre fois supérieur à celui de 2023. Cette progression inattendue interroge les choix stratégiques en matière de santé publique, et ravive un débat fondamental autour de la vaccination obligatoire et de la prévention collective.

Une multiplication des cas qui alerte les autorités sanitaires

Selon les données officielles, 483 cas de rougeole ont été déclarés en 2024 contre environ 120 en 2023. Parmi eux, 84 ont été identifiés comme des cas importés. La majorité du territoire métropolitain a été concernée, avec 62 départements ayant signalé au moins un cas, tandis qu'aucune déclaration n'a été faite dans les territoires ultramarins.

Cette hausse brutale, si elle reste inférieure aux niveaux antérieurs à la pandémie de Covid-19 (plus de 2 000 cas annuels en moyenne entre 2017 et 2019), constitue néanmoins un signal préoccupant pour les décideurs publics. La réapparition de foyers de rougeole questionne la capacité de la France à maintenir une immunité de groupe suffisante pour éviter la circulation endémique du virus.

L'érosion de la couverture vaccinale, enjeu central

Au cœur des préoccupations figure la baisse de la couverture vaccinale observée depuis 2020. Le rapport de Santé publique France souligne que, parmi les cas éligibles à la vaccination et dont le statut est connu, 64 % n’étaient pas vaccinés contre la rougeole. Seuls 18 % avaient reçu deux doses du vaccin ROR (Rougeole-Oreillons-Rubéole), pourtant recommandé pour assurer une protection optimale.

Cette fragilité vaccinale trouve ses racines dans les perturbations engendrées par la pandémie de Covid-19, mais aussi dans une défiance persistante d'une partie de la population à l'égard des politiques de santé publique. Le seuil de couverture vaccinale requis pour interrompre la circulation du virus est fixé à 95 %, or la France reste en deçà de cet objectif, exposant ainsi des populations vulnérables à des risques évitables.

Pour les responsables politiques, cet écart soulève des questions sur l’efficacité des campagnes de communication sanitaire, sur la pertinence des mesures incitatives mises en place depuis 2018 avec l’extension de l'obligation vaccinale infantile, et sur la nécessité éventuelle de renforcer ces dispositifs.

Des populations cibles particulièrement exposées

L'analyse des cas révèle que les nourrissons de moins d'un an, non encore vaccinés, constituent la classe d'âge la plus affectée, avec un taux d’incidence de 11,14 cas pour 100 000 habitants. Les enfants de moins de cinq ans et les adultes de plus de trente ans sont également significativement touchés.

Sur l'ensemble des cas rapportés en 2024, 144 ont nécessité une hospitalisation, soit près de 30 %. Sept patients ont été admis en service de réanimation, principalement des nourrissons et des adultes non protégés. Environ 66 cas ont présenté des complications, notamment des pneumopathies.

Si aucun décès n'a été enregistré, les coûts humains et financiers induits par ces hospitalisations ne sont pas négligeables. À travers ce prisme, la rougeole devient autant un enjeu sanitaire qu'une question budgétaire et organisationnelle pour le système de santé.

La gestion du risque : entre prévention et stratégie d'État

La rougeole se transmet par voie aérienne et possède un pouvoir infectieux très élevé. Une personne contaminée peut en infecter jusqu'à vingt autres en l'absence d'immunité collective. Dans un tel contexte, le maintien de hauts niveaux de vaccination reste un rempart efficace.

En 2024, plusieurs foyers de transmission ont été recensés en milieu scolaire, familial et communautaire, notamment en Auvergne-Rhône-Alpes. La majorité des chaînes de transmission identifiées ont été liées à des cas importés, confirmant que la gestion nationale de la maladie ne peut être dissociée d'une approche internationale de la prévention.

La réponse publique attendue

Face à cette situation, le ministère de la Santé travaille sur des recommandations actualisées. Des campagnes de rattrapage vaccinal ciblées pourraient être déployées, notamment auprès des jeunes adultes, des migrants et des enfants vivant dans des zones géographiques où la couverture reste insuffisante.

En parallèle, les pouvoirs publics devront probablement renforcer la communication autour de l'efficacité et de la sécurité du vaccin ROR. Le défi sera de restaurer la confiance sans recourir à des stratégies coercitives qui risqueraient d’alimenter davantage la défiance.

Enfin, la résurgence de la rougeole en France pourrait accélérer l'inscription du renforcement de la vaccination parmi les priorités de la prochaine loi de santé publique attendue pour 2026.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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