Comme chaque année à la même époque, les grands de ce monde se sont réunis à New York pour l'Assemblée générale des Nations unies. Un grand raout qui, sans surprise, a cette année principalement tourné autour de la guerre en Ukraine.
C'est une grand-messe diplomatique qui a pris, cette année, les atours d'une veillée d'arme ou d'une veillée funèbre – celle d'un ordre mondial moribond, voire déjà relégué dans le passé ? Comme chaque année en septembre – mais avec quelques jours de retard dus aux funérailles de la reine Elizabeth II –, se tenait à New York l'Assemblée générale des Nations unies, un grand raout auquel se pressent traditionnellement les chefs d'Etat et de gouvernement du monde entier. Un rendez-vous particulièrement scruté cette année, alors que se déchaine la guerre en Ukraine et que grondent, aux quatre coins du globe, les crises en tout genre : guerre aux portes de l'Europe, explosion de l'inflation, crise énergétique, remise en cause des grands équilibres géopolitiques, sans parler des conséquences du dérèglement climatique.
La fermeté d'Emmanuel Macron
C'est donc peu dire que les adresses des dirigeants mondiaux à l'Assemblée générale étaient attendues. A commencer par celle d'Emmanuel Macron, le président français étant à la tête de la première puissance militaire européenne, d'un pays détenteur de l'arme atomique et membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Dénonçant, dans une allusion explicite à la Russie de Vladimir Poutine, le « retour des impérialismes et des colonialismes », le chef de l'Etat a notamment appelé la communauté internationale à « mettre le maximum de pression » sur l'hôte du Kremlin – qui n'avait, sans surprise, pas fait le déplacement à New York, s'y faisant représenter par son fidèle ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.
« Je pense que l'on a assisté à l'un des discours les plus fermes, d'un point de vue historique d'un président de la République française à l'Assemblée générale des Nations unies devant 192 autres Etats », juge Frédéric Ensel, maître de conférence à Sciences Po, « et d'autre part, cela a été le discours le plus ferme depuis l'invasion russe en Ukrxaine ». « Cette fermeté, dans le ton et sur le fond, était aussi liée à un certain nombre d'accusations d'États, et notamment d'Etats d'Europe orientale, trouvant jusqu'à présent l'Elysée insuffisamment ferme vis-à-vis de Moscou. Donc je pense que les choses ont été clarifiées », estime encore le géopoliticien, selon qui « la France (…) dit quelque chose d'extrêmement clair. Et elle le dit non seulement sur le plan diplomatique, mais aussi sur le plan militaire. (…) Cela va dire quelque chose d'assez nouveau de la politique de la France et notamment en Europe ».
Le président du Kazakhstan se fait le chantre du multilatéralisme
Dans un style plus policé, mais non moins alarmiste, le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokayev, a lui aussi estimé qu'il s'agissait d'un « moment critique pour l'humanité ». Décrivant ce qu'il perçoit comme une « confrontation géopolitique » à la tribune de l'ONU, le dirigeant kazakh a décrit une situation internationale marquée par le chaos, l'imprévisibilité et une « méfiance croissante » entre les grandes puissances mondiales, des dynamiques qui obèrent, selon lui, les efforts pour un développement durable et contre le réchauffement climatique. Rappelant les trois « principes fondamentaux » sur lesquels reposent l'ordre mondial – égalité souveraine des Etats, intégrité territoriale de ces Etats et coexistence pacifique entre Etats –, Kassym-Jomart Tokayev a notamment déclaré que « les enjeux sont trop importants » pour prendre le risque d'une plus grande polarisation et division, rappelant que le Kazakhstan est prêt à coopérer avec tous ceux qui agissent dans un esprit « d'inclusion, de multilatéralisme et de bonne volonté ».
Le Mali se paie la France à la tribune
Un unanimisme qui ne semblait pas de mise du côté de la délégation malienne. Alors que ce pays d'Afrique sahélienne est récemment passé sous la coupe d'une junte militaire largement inféodée à Moscou et que les militaires français de la force Barkhane ont peu ou prou été remplacés par les mercenaires de Wagner, Abdoulaye Maïga, le premier ministre par intérim du Mali, a profité de son intervention pour violemment charger une France « néocoloniale, condescendante, paternaliste et revancharde ». Dans un discours qui semble avoir été écrit au Kremlin, le dirigeant a qualifié les autorités françaises de « junte au service de l'obscurantisme », louant au contraire « les relations de coopération exemplaires et fructueuses entre le Mali et la Russie » – tout en conspuant au passage d'autres chefs d'État africains ainsi que le propre secrétaire général des Nations Unies. Une logorrhée aussi incendiaire qu'affranchie de tout principe de réalité.
Joe Biden tance Vladimir Poutine, Elizabeth Truss étrenne ses nouveaux habits de première ministre
Très attendu dans un contexte aussi volatil, Joe Biden n'a, comme Emmanuel Macron, pas mâché ses mots contre la Russie de Vladimir Poutine dont la guerre « anéantit le droit de l'Ukraine à exister, tout simplement ». Moscou « a violé de manière éhontée les principes la Charte des Nations unies », a lancé le président américain, qui a également salué le « courage » des femmes iraniennes protestant contre le régime des mollahs. Joe Biden a aussi annoncé une nouvelle aide de presque 3 milliards de dollars pour lutter contre l'insécurité alimentaire dans le monde et s'est dit favorable à une réforme du Conseil de sécurité de l'ONU, proposant de faire passer l'instance de cinq à quinze Etats membres permanents.
Enfin, la nouvelle première ministre britannique, Elizabeth Truss, a pu à New York étrenner sa stature internationale – encore à confirmer. « Pour la première fois dans l'histoire de cette Assemblée, nous nous réunissons pendant une guerre d'agression à grande échelle en Europe, alors que les Etats autoritaires sapent la stabilité et la sécurité dans le monde entier », a lancé la dirigeante à la tribune. Saluant la mémoire de l'ancienne reine – « le roc sur lequel la Grande-Bretagne moderne a été construite » –, Elizabeth Truss a raillé les « échecs catastrophiques » de Poutine en Ukraine, tout en affirmant sa volonté que le Royaume-Uni consacre 3% de son PIB à sa défense d'ici à 2030. Devant une telle volatilité géopolitique, bien malin qui pourrait prédire quel ton présidera à la prochaine Assemblée générale des Nations Unies. Rendez-vous dans un an.