Après 18 mois d’une crise sanitaire doublée d’une crise économique, dans quel état d’esprit les Français abordent-ils cette rentrée ? En partenariat avec l’institut de sondages Harris Interactive, le magazine Challenges a posé la question à 10 000 personnes représentatives de la population française. Une enquête « salutaire », selon le chef de l’État.
A la fois surprenants et encourageants, les résultats de cette étude inédite ont suscité de nombreux commentaires, y compris au sommet de l’État. Emmanuel Macron a ainsi estimé que « l’enquête très documentée » de Challenges était « salutaire ». En effet, « pour qui prendra le temps de regarder en face ce travail, avec le sérieux humble de celui qui cherche à comprendre, c’est une nation raisonnable, un peuple lucide qui se dévoile », affirme le chef de l’État.
Mais quelles sont donc les leçons de cet exercice ? Tout d’abord, il tord le cou à un certain nombre d’idées reçues. Les Français ne sont ni divisés, ni (entièrement) déclinistes, ni belliqueux, ni fatalistes. Ils ne sont pas obsédés par les questions liées à l’islam et l’immigration et surtout, ils sont satisfaits (à 65 %) de leur niveau de vie, y compris les ouvriers (61 %) !
Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas inquiets. Au contraire, 53% d’entre eux estiment que le terme « inquiétude » est celui qui correspond le plus à leur état d’esprit. Inquiets, ils le sont en raison de la délinquance (82 %), du terrorisme (83 %), et surtout du dérèglement climatique (84 %).
Mais les Français ne sont pas défaitistes pour autant. Face à leur principale inquiétude, à savoir le climat, ils sont prêts à se mobiliser en triant leurs déchets, en favorisant le reconditionné et les moyens de transport plus durables, en faisant réparer leurs appareils ménagers, en réduisant le chauffage et la clim ou encore en privilégiant les produits en vrac.
Un peuple « lucide » huit mois avant l’élection présidentielle
Autre enseignement du sondage Challenges/Harris Interactive : près de la moitié des Français (47 %) pensent que le pays est en déclin. Or, s’ils croient au progrès (85 %), et notamment à la science et à la médecine comme source de ce progrès, ils sont nombreux (60 %) à estimer que les responsables politiques contribuent en premier au déclin de la France. Ce que Challenges résume d’une formule lapidaire : les Français « ne font plus du tout confiance à l’État et au système politique ». Ils préfèrent confier le progrès du pays aux collectivités territoriales (36 %), aux citoyens (39 %), aux chefs d’entreprise (45 %) et aux associations (50 %).
Seulement, malgré la confiance exprimée envers le monde du travail, les Français ne semblent pas être très entreprenants. Seulement 32 % seraient prêts à travailler plus longtemps pour financer la dépendance, et 10 % estiment recevoir plus (aides, services publics…) qu’ils ne contribuent par leurs taxes et impôts.
Pour le président de la République, c’est un peuple « lucide sur les difficultés auxquelles fait face le pays » qui s’exprime dans ce sondage.
Il faut dire que la publication de l’enquête (qui tombe huit mois avant l’élection présidentielle) coïncide avec le déplacement de trois jours d’Emmanuel Macron pour présenter son plan « Marseille en grand ».
Faire naître le monde nouveau
Pour le président-candidat, l’occasion est idéale pour défendre son bilan et se projeter après 2022. « Chez nous, Français, en effet, nul renoncement ni tentation du repli. Chez nous, Français, nulle résignation ni fatalité. C’est au contraire un puissant désir d’engagement qui partout s’exprime », déclare le président tout en rappelant les avancées sociétales (congé paternité, procréation médicalement assistée pour les couples de femmes), les efforts en matière d’industrie et d’innovation (loi pluriannuelle pour la recherche) et les mesures en faveur du pouvoir d’achat (augmentation du SMIC, baisse des impôts, réforme de la fiscalité) du quinquennat. « Nous ne sommes pas une nation de demi-mesures […] mais de transformations radicales. De révolutions qui débordent le monde », s’est-il félicité.
Son objectif ne saurait être plus clair. Emmanuel Macron tente de « renouer avec le souffle de la campagne de 2017 et de son essai, Révolution », analysent les experts. Ce n’est pas un hasard si le président rappelle que « les crises sont souvent des moments de bascule où ce qui distingue les nations et les continents est souvent leur capacité à s’extraire des pesanteurs du présent pour porter l’avant-garde, le monde nouveau qui alors naît ».
Or, ce monde nouveau, c’est lui qui veut le faire naître. C’est ainsi que le président promet « des solutions inédites » à l’automne, « comme le revenu d’engagement pour notre jeunesse ainsi que France 2030, un plan d’investissement pour l’industrie, l’innovation et la recherche ». Mais Emmanuel Macron sait qu’il devra adapter sa stratégie par rapport à 2017 : moins de libéralisme et plus d’unité.
« Je crois en nous. En cet esprit français fait d’ambition, de goût du progrès et de conscience civique que rien, pas même l’accélération de l’histoire que nous vivons, peut abîmer », conclut celui qui vient manifestement de déclarer sa candidature.