Dans un pays en souffrance, un espoir semble naître de l’émergence d’un nouveau parti sur la scène politique gabonaise : le Parti du Réveil Citoyen (PRC). Son message de renouveau semble parler aux Gabonais, après plus de cinquante ans de règne du clan Bongo. Rencontre avec Thérence Gnembou Moutsona, son président.
Thérence Gnembou Moutsona, vous avez travaillé en Europe et en Afrique au plus haut niveau pour des entreprises internationales. Vous êtes également à l’origine de deux associations humanitaires, notamment à destination des orphelins gabonais. Pourquoi avoir créé un parti ?
Thérence Gnembou : Le projet de création du Parti du Réveil Citoyen est né en réaction à la crise sans précédent que traverse le Gabon. Crise politique, tout d’abord, catalysée par les violences post-électorales suite à l’élection présidentielle de 2016, qui ont profondément dégradé notre unité nationale. Et crise économique et sociale, qui ronge notre pays – il suffit pour s’en convaincre d’arpenter le pays et de constater le délabrement des routes, l’insuffisance des services publics, les difficultés d’accès à l’eau, les délestages électriques… Dans ce contexte, j’avais le souhait d’apporter ma pierre à l’édifice. J’avais commencé via ma vie associative, mais cet engagement ne me semblait plus aujourd’hui suffisant. Je voulais aller plus loin, pouvoir fédérer les Gabonais pour enrichir le débat d’idées neuves.
Quel diagnostic faites-vous de la situation économique du Gabon ?
G. : Celui d’un énorme gâchis. Le pays regorge de richesses naturelles : pétrole, gaz, manganèse, bois, pour une population très peu nombreuse. Le Gabon a le 4ème plus gros PIB par habitant d’Afrique subsaharienne ! Pourtant, le pays exploite mal ses ressources, et peine à se diversifier dans d’autres secteurs porteurs. Le recours massif à l’endettement - en croissance de 5.000 Mds de FCFA (près de 8 Mds €) en 11 ans - n’a eu aucun impact sur l’économie réelle. L’indice Doing Business, avec un rang de 169ème sur 180, témoigne de la faible attractivité du pays pour les investisseurs. Résultat : nous assistons à une paupérisation grandissante, notamment des classes moyennes et de la jeunesse. Près d’une famille sur trois vit en-dessous du seuil de pauvreté. Le Gabon se classe au 119ème rang mondial sur 189 en termes d’Indice de Développement Humain. Un Gabonais sur trois est aujourd’hui sans emploi, et encore ce chiffre n’a-t-il pas été mis à jour depuis la crise sanitaire. Les jeunes, et avec eux l’avenir de notre pays, sont tout particulièrement touchés : 36% d’entre eux étaient sans activité en 2019. Ils sont victimes, outre d’un marché de l’emploi en berne, d’un système éducatif inopérant. Une situation révoltante, mais une situation qui n'a rien d'irréversible.
Que propose votre parti ?
T.G. : Aujourd’hui, 700.000 Gabonais vivent en-dessous du seuil de pauvreté et ne jouissent pas de conditions de vie décentes : la priorité est d’imaginer des solutions de secours en soutien aux populations vulnérables, des filets de sécurité, un système plus juste qui ne laisse personne au bord du chemin. L’autre urgence, avec un taux d’endettement de 75% du PIB, contre 39% en 2015 et 59% en 2019, est d’assainir nos finances et de réduire notre train de vie. Enfin, nous devons relancer la machine économique. D’abord en favorisant la reprise de l’exploration et la production pétrolière, gazière et minière, qui ont été freinées ces dernières années, mais aussi et surtout, pour sortir durablement de l’ornière et du piège de l’économie de rente, en repensant une économie moderne et diversifiée, qui est la clé d’un développement durable et partagé. Avec les jeunes générations, qui représentent 60% de la population gabonaise, nous devons explorer des pistes en ligne avec les préoccupations sociétales du moment : écotourisme, agro-industrie locale, aquaculture, énergies renouvelables, recherche et développement pharmacologiques, innovations scientifiques et technologiques, industrie culturelle, etc... : nous ne devons nous interdire aucune idée, ni aucun domaine créant de la valeur !