La stratégie française de lutte contre le tabagisme, quasi-exclusivement centrée sur des hausses de tarifs des paquets de cigarettes, montre ses limites depuis plusieurs années. Alors que les ventes de cigarettes de contrefaçon et de contrebande explosent, le taux de prévalence tabagique continue à stagner dans l’Hexagone alors qu’il baisse sensiblement dans plusieurs pays européens ayant adopté des politiques plus agiles pour accompagner les fumeurs vers le sevrage tabagique.
La stratégie française du paquet à 10 euros virerait-t-elle au fiasco ? L’explosion de la contrebande de cigarettes et de la contrefaçon, en parallèle de la chute des ventes dans le réseau officiel des buralistes, met en évidence les limites de la politique française de lutte contre le tabagisme.
Une cigarette sur dix fumées en France issue de réseaux criminels
Les achats de cigarettes à l’étranger, si elles ont légèrement fléchi en 2020 (s’élevant tout de même à 24,4% des achats totaux de cigarette, soit à peu près un quart des volumes) en raison du contexte sanitaire, des confinements et des fermetures de frontières, sont en augmentation constante depuis plusieurs années, selon des chiffres de la Seita, l’un des principaux cigarettiers français, publiés par Le Figaro. Les achats à l’étranger ont représenté 24,57% des volumes en 2017, 28,55% en 2018 et 30,13% en 2019. Dans certaines zones frontalières, le phénomène est encore plus exacerbé. 48% des fumeurs des Hauts de France s’étaient tournés vers les achats frontaliers en 2019 selon Santé Publique France.
Plus inquiétant encore que ce phénomène de contrebande au sein de l’Union européenne, on constate une véritable explosion des ventes de cigarettes de contrefaçon, imitant les marques légales et produites dans des usines clandestines. Entre 2017 et 2020, la part des cigarettes de contrefaçon dans les ventes totales est passée de 2,10% à 11,90%. Aujourd’hui, plus d’une cigarette sur dix fumées en France est issue de ces réseaux criminels !
Pas de rupture de tendance durant le confinement
Selon Basile Vezin, le directeur de la communication de la Seita, « la stratégie de hausse de la fiscalité sur les produits du tabac, mise en place entre 2017 et 2020 en France, a montré ses limites en 2020 ». Une tendance que la fermeture des frontières est loin d’avoir enrayée. « Lorsque les achats frontaliers ne sont pas possibles, de très nombreux consommateurs s’approvisionnent auprès des réseaux criminels, comme le démontre l’explosion de la contrefaçon en 2020, en hausse de près de 300% »
Le président de la République, Emmanuel Macron, lorsqu’il a dévoilé en février son ambitieux plan cancer, qui se fixe notamment comme objectif de réduire d’un tiers la mortalité liée aux cancers d’ici 20 ans, a indiqué vouloir s’inspirer des méthodes ayant fonctionné à l’étranger. Le modèle britannique pourrait être une bonne source d’inspiration dans la mesure où le Royaume-Uni est parvenu à faire baisser la prévalence tabagique à environ 14% de sa population, un record en Europe.
Donner plus de place aux alternatives à la cigarette
Or, le modèle britannique est aux antipodes de celui en vigueur en France. En Grande-Bretagne, les hausses des prix du paquet de cigarettes ont été accompagnées d’une stratégie globale visant à encourager et à accompagner les fumeurs souhaitant arrêter, notamment en prenant en compte la dimension de réduction des risques et en incluant aux politiques de santé publiques les alternatives à la cigarette comme le vapotage.
Un modèle dont M. Vezin souhaiterait s’inspirer. « Il existe aujourd’hui des solutions autres que la pression fiscale, pour encourager les 12 millions de fumeurs français à choisir une alternative moins nocive. La vape est l’une d’elles, et elle fonctionne, comme le démontre l’exemple anglais. En faisant le pari de la vape, l’Angleterre est en passe de réussir sa stratégie de lutte contre la prévalence tabagique », a-t-il indiqué.