En annonçant tout un panel de dispositifs écologiques en matière d’énergie, de biodiversité ou de dioxyde de carbone, les architectes et les promoteurs d’Europacity comptent bien couper l’herbe sous le pied de leurs opposants. Une évolution qui doit aussi convaincre Élisabeth Borne, encore floue sur ce dossier.
Zéro carbone, zéro artificialisation nette de terres, division par trois de la surface commerciale... Ce 4 octobre, les architectes et les promoteurs d’Europacity ont sorti le grand jeu lors d’une conférence de presse. « Nous avons beaucoup travaillé pour construire un projet exemplaire de la transition écologique et solidaire », a annoncé Benoît Chang, le directeur général d’Alliages & Territoires, la société en charge du projet.
Il faut dire que face à l’opposition virulente des mouvements écologistes et au spectre d’une future ZAD aux portes de Paris, les pouvoirs publics ont fait pression pour que le projet soit inattaquable d’un point de vue environnemental. Les promoteurs ont donc mis les bouchées doubles : ils promettaient déjà une consommation assurée à 100 % par des énergies renouvelables produites sur place, ils annoncent désormais que le quartier de loisir atteindra l’objectif de « zéro carbone » (absorber autant de dioxyde de carbone que le complexe en produit). Seconde annonce : un objectif de « zéro artificialisation nette » des sols. La société Alliages & Territoires s’engage ainsi à « compenser l’intégralité des 80 hectares du site en finançant la renaturation de sites artificialisés ou pollués ». De plus, 4.000 arbres supplémentaires devraient être plantés sur le site, facilitant l’introduction d’une vingtaine d’espèces animales. Des mesures qui s’ajoutent à l’abandon de la très contestée « piste de ski d’intérieur ». Enfin et surtout, Europacity divise par trois la surface prévue pour les commerces, au profit des activités de culture, de loisirs et de la ferme urbaine.
De « centre commercial fermé » lors de sa première présentation en 2016, Europacity a évolué en un véritable « quartier de loisirs » à l’américaine (parc d’attraction, musées, hôtels…) avec désormais une très forte dimension écologique. Une transformation révélatrice de la prise de conscience environnementale dans ce type projet, mais qui répond aussi à une logique d’agenda politique.
S’assurer le soutien des pouvoirs publics
Car cette annonce ne doit rien aux hasards du calendrier : en 2018, l’État avait sommé « Alliage et Territoire » de revoir sa copie, en introduisant plus de dispositifs environnementaux. Les architectes et les experts en charge du projet élaborent donc un « nouvel Europacity » depuis de nombreux mois.
Mais cet été, la ministre de la Transition écologique et solidaire Élisabeth Borne a été sommée par le Premier ministre de se pencher sur le dossier, afin de trancher : si le complexe a toujours officiellement le soutien de l’État, il s’agit pour le gouvernement d’adopter une ligne plus claire sur ce dossier.
Seulement voilà, depuis plusieurs semaines, la ministre louvoie. Probablement soucieuse de marquer son empreinte après les médiatiques Nicolas Hulot et François de Rugy, Élisabeth Borne a laissé croire que le gouvernement pourrait mettre un coup d’arrêt au projet.
Le torrent d’annonces d’Europacity le 4 octobre dernier s’inscrit donc dans cet agenda politique, et cette transformation du projet doit aussi servir à rassurer les pouvoirs publics. Car a contrario, la commune de Gonesse et les habitants des environs, séduits par les 10.000 emplois attendus, sont déjà largement acquis à Europacity. Et en face, le noyau dur des opposants est réparti entre des associations locales de petits commerçants divisées et suspectées de connivence avec certains centres commerciaux et des mouvements écologistes radicaux, qui ont déjà annoncé qu’ils continueraient de s’opposer au projet. Bernard Loup, l’une des figures de l’opposition au projet accuse en effet les promoteurs de « greenwashing » et de « ne rien changer sur le fond ».
Dans ce face-à-face, c’est le gouvernement qui aura le dernier mot. La mutation écologique d’Europacity sert donc autant à convaincre les médias qu’à rassurer le cabinet de la ministre de la Transition écologique et solidaire.