Après de longs débats entre les dirigeants européens et dans une frénésie médiatique qui ne sied jamais à la prise des plus importantes décisions, les États membres ont accepté la proposition de la Commission européenne de prolonger l'autorisation commerciale du Glyphosate pour cinq années. Faisant fi de toutes ses promesses d'arrêter la sur-transposition des règles européennes en France, le Président Emmanuel Macron a aussitôt annoncé que ce désherbant serait interdit en France au plus tard dans trois ans.
Un sujet bien plus sérieux que les postures politiques qui le prennent en otage
Sur le marché depuis 1974, le glyphosate est un herbicide dont l'utilisation est parfaitement maîtrisée par les agriculteurs, bien loin de la caricature qui voudrait que ces derniers le pulvérisent sans précaution ni précision. Son utilisation est en effet raisonnée pour lui garantir une réelle efficacité, sans compter les actions locales permettant une meilleure communication entre les producteurs et les riverains, comme j'ai pu l'initier dans la commune de Saint-Apollinaire (Côte-d'Or) au travers d'une charte facilitant l'information entre ceux-ci.
À grands renforts de photos « choc » et de reportages larmoyants, les opposants au glyphosate tentent d'interdire un débat pourtant essentiel : celui sur la dangerosité supposée du glyphosate qui, affirmée avec force et bruit, deviendrait avérée.
C'est oublier que les grandes agences d'évaluation françaises et européennes (ANSES, ECHA, EFSA,..) recommandent de ne pas classer l'herbicide dans les catégories de substances mutagènes, cancérigènes ou reprotoxiques. L'émotion ne saurait constituer un fondement scientifique, pas plus, d'ailleurs, qu'elle n'intègre la dimension économique et agro-écologique de l'usage du glyphosate.
La tentation française de se « tirer une balle dans le pied » ?
Déjà confrontés à la volatilité des cours, aux aléas naturels et à une Politique Agricole Commune défavorable aux zones à moindre potentiel, les producteurs de grandes cultures seraient les premières victimes d'une interdiction totale et aveugle du glyphosate en France.
L'institut technique Arvalis estime en effet à 976 millions d'euros par an le surcoût de production entraîné par l'arrêt de l'utilisation raisonnée du glyphosate, sans compter la charge de travail supplémentaire qu'il induirait.
Et que dire des distorsions de concurrence entraînées par cette mesure, alors même que les autres pays européens ou américains seraient en mesure d'utiliser la molécule mise en cause ?
Mais c'est sur le plan agronomique et environnemental que le paradoxe français s'illustre le plus.
Sans solution fiable de remplacement, l'arrêt de l'utilisation du glyphosate ruinerait en effet tous les bénéfices tirés de celle-ci, particulièrement en matière de stockage de carbone dans la biomasse des couverts. Le retour au labour qu'induirait son interdiction aurait ainsi un effet néfaste sur les organismes du sol et la petite faune, sans compter l'augmentation mécanique du travail du sol, avec ses risques de tassement et d'érosion hydrique.
À l'ère d'un marché intérieur agricole à renforcer, la France serait bien inspirée de ne pas faire cavalier seul et de concentrer les efforts sur la recherche pour proposer à la Ferme France une alternative fiable et abordable au glyphosate, sans céder au sensationnalisme.