Rien à faire! Le remaniement, donné comme imminent dimanche soir, ne vient toujours pas. Il faut bien s’y résoudre désormais, le métier de journaliste politique est, avec Emmanuel Macron, un métier d’attente. Dans l’espoir que l’événement tant attendu se produise enfin, ce qui n’est pas acquis.
Macron est un perfectionniste. Au début, il s’agissait seulement de remplacer le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, désormais affecté à la conduite des opérations marchantes. Puis, on a parlé d’en profiter pour se débarrasser de Bruno Le Maire, qui ne manque pas une occasion de se faire remarquer dans les rangs du gouvernement. Et enfin, on évoque un élargissement de l’équipe gouvernementale, avec force secrétariats d’État qui résonnent comme autant de constats d’échec dans la vision présidentielle d’un gouvernement resserré de technocrates aguerris (Communication, Fonction Publique, Sécurité Sociale, toutes enseignes qui avaient disparu et qui reviendraient).
Le remaniement est-il le fait d’un perfectionniste?
C’est le propre des perfectionnistes de rejouer systématiquement le même jeu: d’un problème simple à résoudre, ils s’embarquent toujours dans des spirales d’une complexité grandissante, se promettant de résoudre deux problèmes au lieu d’un. Et, en fin de course, la décision simple est devenue si complexe à prendre qu’il faut la repousser, la réexaminer et même la changer incessamment jusqu’à devenir la meilleure décision possible. Et on attend.
Macron a déjà fait le coup pour la liste des législatives, puis pour son premier gouvernement Philippe, puis à plus petite échelle, pour le poste de directeur général de la CDC. En réalité, le Président n’aime pas prendre son temps pour décider: il aime la perfection et procrastine jusqu’au bout.
On laissera les psychanalystes s’abandonner aux analyses qui vont bien sur ce sujet.
Le mythe du gouvernement resserré et technique est bien mort
À sa décharge, Emmanuel Macron a besoin d’élargir une équipe qui souffre de points faibles majeurs. Un peu partout, le feu couve et les pompiers ne sont pas équipés pour faire face.
Par exemple, il ne se passe pas un jour sans que les salariés du service public audio-visuel ne balancent une rumeur ou une pépite sur les projets de réforme proposés à la ministre de la Culture. Celle-ci paraît singulièrement désarmée pour aborder ces dossiers minés où elle ne possède guère d’expérience reconnue.
On dira la même chose de la fonction publique où plus personne ne semble vraiment aux commandes d’un avion gros porteur en pleine perte de vitesse. Or Macron devra tôt ou tard taper dans les effectifs et négocier le bout de gras salarial. Le sujet ne s’improvise pas et suppose une bonne maîtrise technique des dossiers.
La même technicité fera rapidement défaut sur le dossier complexe des retraites où Jean-Paul Delevoye manque de relais politique.
Le grand retour des cabinets ministériels?
Accessoirement, ces opérations complexes ne sont pas dénuées de calculs secondaires. En particulier, l’augmentation du nombre de maroquins permet de contourner la règle imposée par Macron lui-même de cabinets resserrés autour de quelques conseillers seulement.
Le Président entendait assurer la maîtrise technique des dossiers par l’Élysée et Matignon. L’expérience montre que les ministères dépensiers ont aussi besoin de conseillers en nombre pour décliner les réformes. Le flou qui pèse sur des sujets comme la formation professionnelle, les relations avec les collectivités locales ou la réforme de la santé sont autant d’alertes que Macron doit prendre en compte pour mener à bien ses projets.
Bref, le Président a des circonstances atténuantes pour justifier son attentisme. Mais on ne peut s’empêcher d’y voir un trait de caractère, voire de personnalité.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog