Voilà une affaire rondement menée! les élections présidentielles ne sont pas encore passées, mais la France Insoumise… se soumet déjà aux dures lois des calculs politiciens post-second tour. Mélenchon entame désormais une partie serrée pour transformer l’essai de son score au premier tour contre l’appareil du parti communiste, et contre celui du parti socialiste.
Mélenchon à l’assaut de Montreuil
Premier problème pour Mélenchon: il faudrait que ses bébés cadres disposent d’une base arrière solide, et si possible pas trop loin des quartiers bobos où ils coulent des jours heureux en dissertant sur les malheurs du petit peuple. La rumeur court donc d’une tentative de prise de contrôle de Montreuil, où un proche du Chavez français, Alexis Corbière, actuellement élu municipal à Paris (12è arrondissement), se verrait bien en héros de la révolution. En attendant le Grand Soir, la France Insoumise l’a investi comme candidat sur la circonscription actuellement détenue, à cheval sur Montreuil et Bagnolet, par un proche de Benoît Hamon: Razzy Hammadi.
Dans ces deux communes, Mélenchon est arrivé très largement en tête le 23 avril avec près de 30% des voix.
En compétition sans pitié avec le PCF et le Front de Gauche
Là où l’affaire devient cocasse, c’est évidemment dans la compétition électorale entre les Insoumis… et le Front de Gauche, vertébré par le Parti Communiste, qui multiplie les candidatures rivales à celles des mélenchonistes. C’est le cas dans la circonscription de Razzy Hammadi, où Alexis Corbière devrait affronter un communiste pure souche. Mais c’est aussi le cas dans les autres circonscriptions gagnables, notamment la 15è à Paris (20è arrondissement), actuellement détenue par George Pau-Langevin, puis sa suppléante Fanélie Carrey-Conte.
Les Insoumis y avaient investi le cégétiste Mehdi Kemoune. Mais il se murmure que les communistes se livrent à une bataille sans pitié contre lui. Entre autres, les adeptes du Front de Gauche ont rappelé le soutien que le candidat mélenchonien aurait apporté en son temps à Dieudonné. On ne recule devant rien, à gauche, pour écarter les gêneurs. Leur objectif est de protéger la candidature d’un actuel élu d’arrondissement.
Vers Yalta entre insoumis et communistes à Paris?
Jusqu’où ira cette bataille fratricide qui risque de gâcher les fruits de la victoire mélenchonienne à un moment où le parti socialiste a subi une remarquable déculottée à Paris? Manifestement, les vieilles manies devraient rapidement rattraper ceux qui, il y a quelques jours encore militaient pour « dégager » les anciens.
Ainsi, à Paris, un accord tacite devrait être passé entre insoumis et communistes pour un partage des circonscriptions gagnables. Le Front de Gauche souhaite que Mélenchon renonce à présenter Mehdi Kemoune (et tout autre candidat) sur la circonscription de George Pau-Langevin (réinvestie par le PS lors d’une primaire qu’elle a gagnée face à la maire du XXè arrondissement, Frédérique Calandra). En échange, le Front de Gauche renoncerait à présenter une candidature dans la 6è circonscription, détenue par Cécile Duflot, dans le quartier de Ménilmontant. Mélenchon souhaite y fixer Danièle Simonnet, l’une de ses proches.
La vieille politique a ses lois, que la nouvelle ne connaît pas.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog