Selon toute vraisemblance, la CFDT constituera l’un des soutiens les plus importants pour Valls dans la campagne qui s’annonce. En lisant entre les lignes du PLFSS qui vient d’être voté par la gauche à l’Assemblée Nationale, c’est en tout cas ce qui se dégage des petits cadeaux discrets offerts par le gouvernement aux centrales syndicales réputées proches du PS.
Valls face à la sinistre terre brûlée par François Hollande
Outre qu’il n’a pas beaucoup d’idées pour fabriquer un nouveau projet, Valls est confronté à une difficulté essentielle: la gauche ressemble furieusement au domaine royal sous Louis XI. Les baronnies sont toutes puissantes et les barons n’en font qu’à leur tête, défiant chaque jour l’autorité du souverain. Les candidatures directes de Macron et de Mélenchon (les deux M) n’en sont que l’une des illustrations.
Pour Valls, il va devenir vital de rallier au plus vite les féodaux qui peuvent encore être récupérés. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a servi aussi à cela.
Un discret cadeau à la CFDT
Le PLFSS envoyé au Conseil Constitutionnel après son adoption par l’Assemblée comporte désormais un article 19bis (qui sera transformé en article 32, si je ne m’abuse), qui rétablit les « désignations » en prévoyance. Les initiés connaissent pas coeur ce mécanisme qui permet aux organisations syndicales de toucher des commissions sur l’attribution d’une branche entière à un assureur. L’assureur se prend le pactole, et les négociateurs de branche touchent les dividendes.
Comme par hasard, dans 90% des cas, les assureurs désignés sont des groupes paritaires, c’est-à-dire des groupes dont les administrateurs sont désignés par les organisations syndicales, qu’elles soient salariales ou patronales.
À l’approche des élections, ce genre de cadeau n’est jamais innocent, ni inutile.
Une opération conjointe avec Martine Aubry
On notera que le retour des désignations, censurées par le Conseil Constitutionnel en juin 2013, n’est pas directement porté par le gouvernement, mais par un amendement de Jean-Marc Germain, l’époux d’Anne Hidalgo et le lieutenant de Martine Aubry, rapporteur en son temps de la loi du 14 juin 2013 où il avait déjà tenté de faire passer les désignations en disant tout le mal qu’il pensait de la concurrence et de la liberté d’entreprendre.
Le gouvernement a soutenu discrètement.
Dans les coulisses de l’amendement
Fin octobre, je ne sais plus qui m’avait demandé un pronostic sur les chances de réussite de cet amendement. Ma réponse n’a pas varié depuis: si le gouvernement veut faire plaisir à la CFDT, il le fera passer jusqu’au bout. Il ne le portera pas lui-même, car il est trop risqué devant le Conseil Constitutionnel, mais il le protégera pour se ménager les bonnes grâces de Laurent Berger.
La CFDT aime les désignations
La CFDT appartient en effet aux forces qui, depuis le début, rêvent de confier aux groupes paritaires de protection sociale le monopole de la protection sociale complémentaire des salariés. Ce marché à plusieurs dizaines de milliards d’euros permet en effet aux organisations syndicales de se financer discrètement en dehors du cadre légal reconnu. Et comme le disait récemment un assureur mutualiste dont le groupe a recruté, parmi ses dirigeants, un ancien ponte de la CFDT (bien connu): « Nous, nous aimons les désignations, puisque nous sommes plusieurs fois désignés. Et faire des cadeaux aux syndicats ne nous gêne pas. »
Un plaisir partagé avec quelques patrons
Rappelons là encore que les syndicats de salariés ne sont pas les seuls à en croquer. Des mouvements patronaux vivent sous perfusion de prévoyance et de santé. C’est le cas dans la boulangerie, où AG2R financent abondamment l’ensemble de la branche, nourrissant au passage de sanglants règlements de compte pour tous ceux dont la tête dépasse.
FO victime collatérale de l’opération
Les amateurs de règlement de comptes se délecteront au passage du coup bas adressé par le gouvernement à FO, dont le secrétaire général a publié un livre pour dire tout le mal qu’il pensait de la loi travail. L’amendement, dans sa version définitive, limite en effet les désignations aux seuls champs de « la couverture des risques décès, incapacité, invalidité ou inaptitude ». La précision exclut donc les prestations de dépendance et de rentes d’éducation, assurées par l’OCIRP, dont la présidence revient à FO.
Le gouvernement n’aurait pu faire mieux pour priver cette organisation de ses ressources financières. Face au probable refus exprimé par Mailly de se rallier à la cause des hollandistes, les représailles ne se sont donc pas faites attendre.
La CFDT soutiendra Valls
En lisant le PLFSS, on sait donc que, à ce stade, la CFDT a monnayé son soutien à Valls. Il faut dire qu’elle attend encore d’autres cadeaux comme le CPA, promis en juin dernier. Reste à savoir quelle sera son attitude en cas de nouvelle censure du Conseil Constitutionnel contre un dispositif aussi contraire au droit de la concurrence.
Article crit par Eric Verhaeghe pour son blog