Quoi qu’il arrive aujourd’hui, la principale surprise est bien que Donald Trump ait pu aller aussi loin. Qu’il remporte ou non l’élection, la politique américaine – et peut-être mondiale – ne sera plus jamais la même. En cela, Donald Trump a d’ores et déjà gagné.
Voici le message de clôture de la campagne de Donald Trump :
Notre mouvement existe pour remplacer un establishment politique raté et corrompu par un nouveau gouvernement contrôlé par vous le peuple américain. L’Establishment a des trillions de dollars en jeu dans cette élection. Pour ceux qui contrôlent les leviers du pouvoir à Washington et pour les intérêts privés mondiaux – ils sont en cheville avec ces gens qui ne veulent pas votre bien.
L’establishment politique qui essaie de nous arrêter est le même groupe responsable de nos accords commerciaux désastreux, de l’immigration illégale massive, et des politiques économiques et étrangères qui ont saigné notre pays à blanc. L’establishment politique a entraîné la destruction de nos usines et de nos emplois, qui fuient au Mexique, en Chine et dans d’autres pays du monde entier. C’est une structure de pouvoir mondiale qui est responsable des récessions économiques qui ont volé notre classe ouvrière, dépouillé notre pays de sa richesse, et mis cet argent dans les poches d’une poignée de grandes entreprises et entités politiques.
La seule chose qui puisse arrêter cette machine corrompue, c’est vous. La seule force suffisamment puissante pour sauver notre pays, c’est nous. Le seul peuple assez brave pour voter la fin de cet establishment corrompu c’est vous le peuple américain. Je fais cela pour le peuple, et pour le mouvement, et nous reprendrons ce pays pour vous, et nous rendrons à l’Amérique sa grandeur.
Une vidéo de 2 minutes, très efficace visuellement, publiée à deux jours de l’élection comme un résumé du message du candidat, comme l’image finale de qui est et de ce que veut Trump, avant que chaque Américain ne se prononce. Message à la fois radical par la dénonciation globale des gouvernements américains quel que soit leur parti ainsi que de puissants intérêts privés qu’ils serviraient, et remarquablement positif, fondé sur l’espoir et non la peur, en plus de la colère.
Un puissant message populiste, dans le sens exact de ce mot – se présentant comme défenseur du peuple face à des élites faillies ou hostiles – qualificatif qui n’est pas considéré comme infâmant aux Etats-Unis, du moins pas au même degré qu’en France. Bien sûr, quoique le fondement de ce message soit indubitablement vrai - le gouvernement américain est contrôlé et sert depuis belle lurette des intérêts privés qui n'ont pas le bien du peuple américain à coeur - la conséquence que Trump en tire comme quoi "(son) mouvement" arrivé au pouvoir formerait un gouvernement "contrôlé par le peuple américain" n'en découle pas obligatoirement. Nul n’est obligé de croire que le tribun ait véritablement les solutions.
Aujourd’hui, les chances des deux candidats sont équivalentes
Le graphique de l'évolution depuis un an des intentions de vote est révélateur et dit l'essentiel de ce qu'il faut savoir. Trump s’est toujours trouvé depuis un an soit à quelques points derrière Clinton, soit à un niveau équivalent. C’est-à-dire que toute chute dans les intentions de vote pour le milliardaire – faisant suite à quelque « sortie » verbale ou à quelque scandale – n’a pas manquée d’être compensée quelques semaines plus tard.
La chute des intentions de vote pour Trump constatée à la mi-octobre était ainsi la troisième en pas plus de cinq mois, et chacune des deux précédentes avait été suivie d'une remontée. Comme à chaque fois, Trump est remonté et il se situe aujourd’hui à un niveau quasi-équivalent dans les intentions de vote au niveau national – la différence dans la moyenne des sondages de l’ordre de 3% est dans la marge d’incertitude. Quant à la carte prévisionnelle du collège électoral tel que la prévoient l’ensemble des sondages – rappelons que l’élection présidentielle américaine est indirecte, les citoyens élisant de « grands électeurs » qui élisent le président – elle est remarquablement équilibrée. Il suffirait d’un cheveu pour que la victoire bascule dans un camp ou dans l’autre.
On ne mesure pas suffisamment à quel point cet équilibre des chances est extraordinaire. Le parallèle avec la France est éclairant. Marine Le Pen a multiplié le score du FN par 2 ½– de 10-12% à 27-28% – ceci en cinq ans et en se basant sur un parti existant, performance déjà impressionnante. Or c’est en un an et demi que Donald Trump s’est transformé de candidat « pour rire » suscitant les moqueries à un candidat rassemblant peu ou prou une moitié des votants, et disputant dans la dernière ligne droite l’élection à la présidence du pays le plus puissant au monde. Ceci en ne disposant de rien d’autre que de sa notoriété comme promoteur immobilier et personnage médiatique, et surtout pas d’aucun parti politique avant de prendre d’assaut le parti républicain. Contre non seulement le parti démocrate, mais encore une bonne partie du parti républicain, et encore le plus clair des grands médias. Et avec un contrôle de son expression publique bien plus lâche que celui de la présidente du Front National, ressemblant en réalité bien davantage à celui de Jean-Marie Le Pen.
Donald Trump soulignait cette performance lors du deuxième débat avec Hillary Clinton, dont on peut trouver ici un verbatim complet :
Donald Trump: –– (...) elle a dépensé des centaines de millions de dollars pour des pubs contre moi, dont beaucoup étaient complètement fausses. (…) Ce sont des centaines de millons, et la seule chose qui me réjouit c’est que j’ai vu les sondages aujourd’hui, et avec tout cet argent (…) plus de 200 millions de dollars dépensés (…) et soit je gagne soit je suis à égalité (…) et je n’ai pratiquement rien dépensé.
Bien sûr, le "pratiquement rien" est une exagération, en réalité il s’agit d’environ un tiers de ce que Clinton a dépensé. La différence d’efficacité reste frappante. Quoi qu'il arrive aujourd'hui, que Trump perde d'un cheveu ou qu'il soit élu du même cheveu, la surprise principale de cette année c'est bien qu'un mouvement aussi clairement populiste puisse arriver aussi loin...