Le successeur de Charles de Gaulle à l’Élysée avait, dit-on, lancé un jour à ses collaborateurs trop enclins à légiférer et à réglementer : "arrêtez d’emmerder les Français".
Le moins que l’on puisse dire est que son message n’a guère été retenu : voilà que des candidats à la présidence de la République réclament une loi antiburkini ! Et pourquoi ne pas interdire aussi les tenues Punk, souvent destinées à montrer que leur porteur considère les bourgeois comme des cons ? Pourquoi ne pas légiférer à propos des pantalons dont la ceinture arrive au niveau du pubis et contre les baskets aux lacets déliés, autres signes identitaires marquant un refus des modes vestimentaires BCBG ?
Arrêtons donc de faire ou de vouloir faire des lois stupides, et occupons-nous des choses sérieuses. Qu’une troupe d’opposants au projet de stockage de déchets nucléaires de Bure puissent, cagoulés, attaquer à la masse le mur d’enceinte de cette zone sans être rapidement interpellés et déférés au tribunal en comparution immédiate est un signe minuscule, parmi des milliers, de l’atonie des pouvoirs publics. Que les mesures anthropomorphiques des immigrants illégaux ne soient pas systématiquement prises montre le degré de chienlit auquel la France est descendue.
Que les effectifs de police dans les quartiers difficiles soient dramatiquement insuffisants ; que les programmes de construction de places de prison aient été ralentis, voire stoppés, moyennant quoi les peines de prison auxquelles la justice condamne les délinquants deviennent souvent des torchons de papier ; que le regroupement familial soit grand ouvert, rendant l’immigration trop importante pour être gérée correctement ; que les entreprises soient incitées à pratiquer l’optimisation fiscale parce que la Commission européenne, très entreprenante s’il s’agit de réglementer l’épaisseur du papier de cigarette, est incapable de définir des normes communes de calcul du bénéfice imposable et un taux européen commun d’imposition des sociétés ; que le carrousel de TVA permette année après année au crime organisé de voler des dizaines de milliards d’euros aux Trésors publics des États membres parce que, ni à Bruxelles ni à Paris ou à Berlin on ne s’occupe sérieusement du problème : c’est tout cela, et mille autres incuries, abandons et signes d’incompétence notoire qui devraient inquiéter et mobiliser nos dirigeants et ceux qui songent à le devenir ou à le redevenir.
Il s’agit de diriger des administrations, de mobiliser des fonctionnaires, pour que l’État et les collectivités territoriales redeviennent – ou, parfois, deviennent – véritablement efficaces. Certes, beaucoup de textes législatifs et réglementaires doivent être supprimés, et quelques-uns doivent être rédigés, puis votés et promulgués s’il s’agit de lois, mais l’essentiel du redressement de notre pays dépend d’autre chose : nous avons besoin de meneurs d’hommes, qui guident les administrations sur la voie de l’efficacité.