En parlant de guerre de civilisation, suite aux terribles attentats qui ont une fois encore touché la France, Manuel Valls ouvre là un vaste débat, qui ne sera pas sans invoquer nombre d’historiens au secours, ou en contradiction à ses propos.
Je ne veux pas m’étendre sur l’aspect historique de la question, qui n’est pas de mon ressort, mais du point de vue qui est le mien, le terme « civilisation » employé ici, me semble donner trop d’importance à Daesh, comparé aux autres civilisations qui ont marqué l’histoire de l’humanité. Je constate d’ailleurs qu’une civilisation se manifeste longtemps après qu’elle ait disparu, et qu’elle se caractérise en grande partie par les richesses, notamment culturelles, qu’elle laisse derrière elle. Que laissera Daesh : probablement que destruction et chaos.
D’un point de vue politique, l’assertion me semble tout aussi maladroite. Si elle a le mérite d’identifier clairement la question de la place de l’Islam dans la modernité, l’effet purement instantané qu’elle laissera, n’ouvrira sur aucun débat décisif relatif notamment à l’identité française. Et combien de confusions cette phrase peut-elle engendrer ? Faut-il comprendre notre civilisation comme une civilisation « fourre-tout » dite occidentale ? En opposition à quoi ? Combien de différence (qui ne nous sont pourtant pas hostiles) allons-nous mobiliser contre ce qui n’est, tout au plus, qu’une « culture occidentale » qui ne peut pas convenir à l’ensemble du monde ?
En réalité, la guerre contre Deash est une guerre contre le terrorisme marquée par plusieurs évolutions : d’une part la transformation du terrorisme redéployé sous la forme du « loup solitaire », et d’autre part l’émergence d’un terrorisme centralisé qui se manifeste par des actions de guerre civile, et s’organise sous la dénomination abusive « d’Etat ». C’est cette guerre-là qu’il nous faut mener en priorité, en tenant compte des avantages et des inconvénients que produisent ces évolutions.
Quant à la guerre de civilisation, elle est avant tout intellectuelle, confuse, et contradictoire, parce qu’après avoir en partie renoncé à l’héritage d’une civilisation Chrétienne sur laquelle repose encore une large part de nos fondements identitaires, nous nous en servons comme d’un « Totem » pour chasser les mauvais esprits. Et tandis que nous nous plaçons sur le plan des valeurs, nos adversaires se placent sur le plan de la transcendance et de la mystique ; tandis que nous nous cantonnons à une stratégie incantatoire et défensive, nos adversaires passent de la menace à l’offensive. Dans le domaine de la guerre et donc du sacrifice ultime, il faut donc l’admettre : nous combattons ici à armes inégales.
Alors, en réalité, c’est aujourd’hui Daesh qui vole vers l’occident compliqué avec des idées simples. Mais nous…? Allons-nous clarifier notre stratégie diplomatique ? Faudra-t-il encore longtemps avant d’admettre que le problème du risque terroriste sur notre territoire n’est pas exclusivement un problème de renseignement, puisque les éléments terroristes sont depuis toujours identifiés, mais un problème de neutralisation : mettre pénalement hors d’état de nuire les individus dangereux.