L’initiative prise par le Premier ministre de visiter Berlin a marqué les esprits par le montant un peu voyant de la dépense. Et c’est, sans doute possible, une saine réaction que de contester à quiconque le droit de dilapider les euros par milliers, quand la courbe du chômage s’envole elle aussi.
Plusieurs chiffres circulent, on a vu des 14.000 et des 19.000. Pour l’essentiel, toutes ces estimations reposent sur une liste plus ou moins complète des coûts directs d’un vol en jet et autre logistique.
Ce qu'on ne voit pas
Pourtant, ce n’est voir là qu’un avion sans voir tout ce qu’il peut cacher comme autres coûts envers l’économie du pays. Pour paraphraser Frédéric Bastiat, en économie, il y a « _ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas_ ». Ainsi dans un célèbre pamphlet dit de la « vitre cassée », Bastiat explique que casser une vitre n’est pas une aubaine pour le vitrier et donc pour l’économie, mais bien une perte pour le magasin victime de la casse qui aurait pu investir plus utilement ses fonds que dans une vitre inutile.
Notre promenade en avion est non seulement scandaleuse par la nonchalance qu’elle manifeste, tout le monde l’a bien vu et le dénonce. Mais de plus les phénomènes économiques font que le trou créé par cet avion pourrait bien en cacher un autre au moins aussi profond. Voyons pourquoi. Tout d’abord tel la vitre, la somme dépensée par Valls est une somme qui a été prise par imposition aux forces productrices du pays. Pour revenir à la normale, il a fallu donc que l’économie du secteur privé fasse un effort équivalent pour la reconstituer. Voilà donc un second avion qui montre son nez.
Une immense richesse dérobée par les pouvoirs publics
De plus ces impôts sont collectés par des fonctionnaires ayant revenu. Disons que cela correspond à une roue de l’avion : voilà donc deux roues en plus. Sans oublier les délais de paiement, le kérosène comme les petits fours à bord seront payés aux fournisseurs… après un certain temps, en général sans commune mesure avec ce que l’Urssaf exige. Ce voyage vaut bien quelques agios et quelques cessations de paiements, sans doute.
Quand on pousse le raisonnement de la sorte, comme trop peu souvent, on se rend compte que notre PIB, dont 57% sont déclarés faits de dépenses publiques, fait plus que poser question. Car on vient de voir qu’il n’y a de dépense publique que celle prise sur le PIB strictement privé. Il s’agit pas ici d’ergoter pour savoir si le PIB est une mesure fiable ou pas ni si les 57% sont en réalité 25% ou 75%. On peut montrer en l’occurrence que le PIB est vide de sens mais le sujet n’est pas là.
Il s’agit juste de prendre conscience à quel point les pouvoir publics tentaculaires et leur incurie, illustrés par cette minable expédition berlinoise, en grevant peu ou prou la moitié de la force productive de ce pays depuis des décennies, sont la cause profonde d’une immense richesse dérobée, au point d’avoir atteint ce virage où la misère devient la seule véritable promesse. Manuel Valls n’a pas juste volé quelques milliers d’euros, il a volé un peu à des milliers d’avenirs.