Nous assistons ces temps-ci à une sorte de prurit de laïcisme qui montre un sérieux recul du bon sens chez des personnes que leurs responsabilités devraient conduire à plus de modération : pas de foulard, pas de croix, pas de repas sans porc pour ceux qui ne veulent pas de cette viande, etc.
Les signes d’appartenance religieuse deviendraient interdits sur l’espace public ! Dans ce cas, pourquoi ne pas interdire les insignes portant le logo d’une association ou d’un club sportif ? Pourquoi ne pas punir ceux qui se couvriraient le chef d’un béret basque ou qui se promèneraient en baskets estampillés Nike ? Et ainsi de suite à l’infini.
Des impératifs d'ordre public
Il existe des impératifs d’ordre public : les visages doivent rester visibles, donc pas de burka ni de niqab, mais porter un foulard ou une coiffe, dès lors que le visage est découvert, fait partie de nos libertés. Qu’il soit là pour montrer qu’on appartient à un ordre religieux ou qu’on est une pieuse musulmane, ou encore parce qu’on est toute heureuse de porter le carré Hermès qu’un être cher vous a offert, le morceau de tissu posé sur les cheveux ne fait pas de mal à une mouche. Et si l’on veut porter un signe distinctif de sa religion, quel mal y a-t-il à cela ? Que les Sikhs se promènent en turban, les rabbins et les évêques en calotte, s’ils le désirent : où est le mal ?
La liberté ne peut pas se limiter à laisser des publicistes produire en série des caricatures de mauvais goût sur le Pape, le Président de la République et Mahomet. Pourquoi les personnes animées de convictions religieuses n’auraient-elles pas autant le droit de les manifester que celles qui ont des convictions politiques, philosophiques ou artistiques ? Va-t-on exiger des ONG qu’elles bannissent tout signe tel que la croix ou le croissant ? Un peu de bon sens ! Un état laïc n’est pas une sorte de Tartuffe poussant des hauts cris dès qu’une robe laisse deviner la forme d’un sein.
La courtoisie entre les religions
Bien plus, il est courtois de proposer une boisson non alcoolisée ou un plat sans porc à un hôte ou à un client musulman, comme il était courtois, à l’époque où les chrétiens faisaient maigre le vendredi, de leur proposer du poisson ce jour-là. Ce sont des signes de bonne éducation, des marques de respect vis-à-vis de ceux qui ont telle ou telle conviction ou coutume. Réciproquement, d’ailleurs, il est bon de ne pas adopter une attitude ou un accoutrement choquant quand on est en situation de visiteur dans un lieu où les règles de bienséance sont fort différentes des nôtres.
Ne laissons donc pas l’intégrisme laïc restreindre encore le champ de nos libertés. À chacun de faire preuve de bonne éducation : c’est cela le secret du vivre-ensemble. Il ne s’agit pas de gommer les différences, les signes distinctifs ; il faut simplement que le tact soit un peu plus présent entre personnes que leur diversité peut enrichir mutuellement pourvu que le législateur et l’autorité réglementaire ne viennent pas, avec leurs gros sabots, se mêler de ce qui ne les regarde pas.