Alors que le débat de l’Assemblée générale des Nations Unies qui démarre est marqué par des absences significatives, Anne Genenet, la vice-présidente du groupe Renaissance encourage le gouvernement de la France à prendre des initiatives fortes pour réformer la gouvernance mondiale.
Démocratiser la gouvernance mondiale dans l’intérêt de tous, y compris la France
Les grands enjeux contemporains sont des défis mondiaux. Pourtant, l'histoire des relations internationales bégaie. L'ordre mondial est en crise et se fragmente du fait de l'évolution de la hiérarchie des puissances. Ce nouveau désordre mondial annonce, en même temps qu'il l'alimente, la fin de la domination politique et économique occidentale. C'est l'ordre issu de la Seconde guerre mondiale, reposant principalement sur la Charte des Nations Unies et les Accords de Bretton Woods, qui est cassé. Il est urgent de construire un nouvel équilibre, notamment pour la France.
New deal politique, économique, écologique
De l'ONU au FMI, en passant par le G20 et la Banque mondiale, les règles et les institutions internationales doivent être recalibrées suivant cette nouvelle donne. Une "réinitialisation" idéologique doit prévoir plus de multipolarité, de co-leadership, de multilatéralisme. La gouvernance doit être plus décentralisée, coopérative, pragmatique et ascendante ou "bottom-up". Elle doit élargir le consensus en recherchant l'unité dans la diversité.
L’ONU ne doit pas s’écarter de son cœur de mission : paix, dignité et égalité sur une planète stable. Mais elle doit dépoussiérer sa Charte, notamment la partie consacrée à son organisation interne. Alors que son article 2 énonce clairement que "l'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres", sa gouvernance n’y répond que très imparfaitement. L’avenir du monde ne peut plus dépendre du bon vouloir du club des cinq États permanents du Conseil de sécurité…
Le processus de prise de décision des institutions internationales dysfonctionne
Ce déséquilibre n’échappe pas à nombre de pays dits du "Sud global" qui, émergents ou développés, appartenant ou non à des coalitions, remettent en cause la domination occidentale de l'ordre mondial, caractérisée par le triptyque idéologique démocratie libérale, économie de marché et gestion pacifiée des relations internationales, un ordre libéral occidental qu’ils cherchent à déstabiliser, voire renverser.
Ces pays motivent aisément cet appel à la réforme tant le processus de prise de décision des institutions internationales dysfonctionne. Il ne représente pas les nouvelles réalités démographiques, économiques et politiques mondiales. Et sa verticalité descendante ou "top-down" est à rebours des attentes des sociétés civiles sur le terrain.
Des puissances subversives telle que la Fédération de Russie exploitent, y compris par la violence et la manipulation, les faiblesses du système international, pour subvertir l’ordre établi, asseoir leur domination et imposer leur propre modèle de société. Réformer les institutions internationales est donc aussi un impératif pour défendre nos démocraties et nos libertés.
Quelle "symétrie" démocratique ?
Si la demande d'un ordre international plus juste et plus équilibré est parfaitement légitime de la part des pays du "Sud global", nous devons nous interroger : est-il véritablement efficace d’exiger un minimum de symétrie démocratique dans leurs sociétés internes pour que ce nouvel ordre mondial soit durablement plus équitable ? La réponse est sans doute non.
Sans cynisme ni résignation, nous devons distinguer le souhaitable et le possible. L’idéal est pavé de réalisme. De ce point de vue, le leadership des pays occidentaux doit probablement moins contraindre / interdire et plus persuader / dissuader. Un leadership moderne et exigeant, par l’exemplarité plutôt que par la conditionnalité, serait plus pertinent.
La France, une boussole
À l’heure où un pays membre du Conseil de sécurité redessine la carte du monde à son avantage, où un autre envahit son voisin sans aucune légitimité, à l’heure où on se focalise trop sur ce qui divise, où chacun veut imposer sa vision du monde au risque de revenir à une confrontation qui serait une déflagration, il est urgent de se concentrer sur ce qui nous unit et de travailler sur de véritables sanctions efficaces en cas de violation de la Charte des Nations Unies.
Dans cette perspective d’indispensable réforme de la gouvernance mondiale, la France doit s'investir, ici, partout et dès maintenant. Il fallait élargir le G20 à New Delhi. Il faut désormais élargir le Conseil de sécurité des Nations Unies à New York. Et si la France profite de l’avantage indéniable d’en être membre, il est temps de porter un nouveau projet plus représentatif des réalités mondiales. Notre pays en sortira grandi et capitalisera sur ce succès dans tous les domaines, en particulier son influence et sa réputation. Les Occidentaux ne peuvent plus faire mine de ne pas voir le monde changer. En la matière, résister au changement est une impasse !