Lutte contre la corruption : Anticor perd en appel, et maintenant ?

C’est un coup de tonnerre pour Anticor. La Cour administrative d’appel de Paris vient de confirmer l’annulation de son agrément. Anticor ne pourra plus se porter partie civile dans de multiples affaires en cours. Un recul net dans la lutte contre la corruption en France.

Axelle Ker
Par Axelle Ker Modifié le 16 novembre 2023 à 18h38
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Anticor perd son agrément en Cour d'appel

La décision de la Cour administrative d'appel de Paris, rendue le 16 novembre 2023, a confirmé l'annulation de l'agrément d'Anticor, décidée en première instance par le tribunal administratif de Paris en juin. Cet agrément, renouvelé en avril 2021, pour une durée de 3 ans, par l'ancien Premier ministre Jean Castex, était essentiel pour Anticor. Il lui permettait d'intervenir en justice dans des affaires de corruption et d'atteinte à la probité. La présidente d'Anticor, Elise Van Beneden, a exprimé son indignation face à cette décision, la qualifiant de « situation complètement ubuesque ».

Sans cet agrément, Anticor se trouve désormais limitée dans sa capacité à déclencher de nouvelles poursuites et à intervenir comme partie civile dans les affaires en cours. Autrement dit, la décision de la Cour administrative d'appel de Paris remet en question la présence d'Anticor dans plus de 160 procédures judiciaires, y compris dans des affaires d'envergure telles que l'attribution de la Coupe du Monde de football au Qatar ou encore l'enquête visant le secrétaire général de l'Élysée, Alexis Kohler.

Les réactions suite à la décision de la Cour administrative d'appel de Paris ne se sont pas faites attendre. La députée LFI Raquel Garrido a notamment déclaré lors d'une conférence de presse : « Cette décision est extrêmement inquiétante pour la démocratie et nos libertés. » Même tonalité pour Marine Tondelier, secrétaire nationale du parti écologiste EELV, qui a déploré sur X (ex-Twitter) : « une nouvelle atteinte gravissime aux libertés ».

Agrément d'Anticor : un droit unique

Fondée en 2002 par le juge Éric Halphen et Séverine Teissier, l'association a su s'imposer comme une figure majeure dans la lutte contre la corruption en France. Seules deux autres associations bénéficient d'un agrément similaire en France : Sherpa, et Transparency International. La dernière affaire de grande ampleur dans laquelle Anticor a été appelé comme témoin : le procès à l'encontre du ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti, dont l'issue sera rendue le 29 novembre 2023. L'association, qui regroupe des citoyens et des élus de divers horizons politiques, a pour principale mission de promouvoir l'éthique en politique. Une association qui, on s'en doute, est loin de rassurer les politiques. La force de l'association ? Son indépendance selon Elise Van Beneden : « Anticor est un ovni. Elle n'accepte pas les subventions publiques, refuse les dons d'entreprise. Son financement vient des cotisations de ses adhérents et des dons des personnes physiques. C'est extrêmement rare comme fonctionnement ».

L'agrément d'Anticor, octroyé pour la première fois en 2015, lui permettait d'agir en justice au nom de l'intérêt général. Avec ce droit unique, Anticor était capable de porter plainte en tant que partie civile dans des dossiers de corruption et de détournement de fonds publics. Cependant, la crise interne à l'association et les contestations sur l'indépendance et le désintéressement de ses activités ont conduit à la remise en question de cet agrément. La Cour administrative d'appel de Paris a estimé que les conditions n'étaient pas remplies au moment de l'octroi de l'agrément, et que les « mesures correctives » prises par Anticor n'étaient pas suffisantes pour que l'arrêté soit valable, et ce, malgré le soutien de la Première ministre actuelle, Elisabeth Borne.

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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