Depuis plusieurs décennies, la Chine s’affirme comme un acteur majeur de la scène internationale, investissant massivement dans sa défense pour soutenir son ambition géopolitique. Au cœur de cette stratégie, sa marine de guerre joue un rôle central. En 2024, avec un budget de défense atteignant 225 milliards de dollars, dont une part significative consacrée aux forces navales, Pékin affiche clairement son intention de rivaliser avec les grandes puissances maritimes mondiales.
Chine : sa marine sera bientôt la plus puissante du monde
Cette montée en puissance s’inscrit dans une vision à long terme : d’ici 2050, la Chine pourrait bien supplanter les États-Unis et s’imposer comme la première puissance navale mondiale. Cependant, cette ambition suscite des inquiétudes croissantes, particulièrement dans un contexte de tensions exacerbées autour du détroit de Taïwan et dans la région indo-pacifique.
Une montée en puissance appuyée par des investissements colossaux
En 2024, Pékin a alloué 225 milliards de dollars à son budget de défense, se plaçant juste derrière les États-Unis. Près de 30 % de cette somme est consacrée aux forces navales, représentant entre 56 et 75 milliards de dollars. Ces chiffres illustrent l’importance stratégique accordée à la marine chinoise, ou Armée populaire de libération navale (APLn).
Avec une flotte actuelle de 340 navires, la Chine dépasse déjà en nombre l’US Navy, qui en compte 290. Mais Pékin ne compte pas s’arrêter là : d’ici 2030, sa flotte devrait atteindre les 400 bâtiments, confirmant une expansion rapide et méthodique. Cette trajectoire ambitieuse reflète la volonté de s’imposer comme une puissance navale incontournable.
Une modernisation accélérée de la flotte
Au-delà du nombre, la marine chinoise se distingue par la modernité croissante de ses équipements. Les destroyers Type 055, par exemple, combinent plusieurs fonctions : défense anti-aérienne, lutte anti-sous-marine et attaque contre des cibles navales. Ce concentré de technologie, avec déjà huit unités en service, témoigne de l’effort continu de modernisation. La Chine s’impose également dans le domaine des sous-marins. Forte d’une flotte de 70 unités, dont 12 à propulsion nucléaire, elle affirme sa capacité de dissuasion stratégique. Ces sous-marins de classe Jin, équipés de missiles balistiques JL-2, offrent à Pékin une puissance nucléaire mobile.
En matière de projection de puissance, Pékin mise sur ses porte-avions. Alors que le pays ne disposait que d’un seul modèle, le Liaoning, au début des années 2010, il en aligne aujourd’hui trois, avec le Shandong et le Fujian récemment intégrés. Ce dernier, à propulsion classique, pourrait bientôt être rejoint par des porte-avions à propulsion nucléaire, renforçant encore les capacités stratégiques chinoises.
Une stratégie assumée dans un contexte de tensions régionales
Cette montée en puissance navale s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu, particulièrement dans le détroit de Taïwan, une région hautement stratégique. Pékin, qui considère Taïwan comme une province chinoise, voit sa marine comme un outil de dissuasion face à toute velléité indépendantiste.
« Le détroit de Taïwan est aujourd’hui la zone géopolitique la plus sensible du monde », écrit Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales.
Mais les ambitions de Pékin ne s’arrêtent pas à Taïwan. En multipliant les bases navales à l’étranger, comme à Djibouti ou au Pakistan, la Chine s’efforce de sécuriser ses routes commerciales tout en étendant son influence dans l’océan Indien et au-delà. Ces initiatives traduisent une stratégie claire : concurrencer la présence américaine dans des zones maritimes clés.
Les implications pour l’ordre mondial
Face à cette expansion, les États-Unis et leurs alliés scrutent avec inquiétude chaque avancée chinoise. Si l’US Navy conserve l’avantage technologique, avec notamment 11 porte-avions nucléaires capables de transporter jusqu’à 75 avions, la montée en nombre des navires chinois pose un défi inédit.
Les experts militaires s’interrogent : à quel point la Chine pourrait-elle perturber l’ordre mondial ? L’Amérique, qui dispose de bases stratégiques dans toute la région Asie-Pacifique (Japon, Corée du Sud, Guam), reste encore dominante en termes de projection globale. Mais l’écart se resserre, et les analystes craignent que le basculement des équilibres ne survienne plus tôt que prévu, peut-être dès les années 2030.
2050 : une domination de la marine chinoise ?
D’ici à 2050, la marine chinoise pourrait redéfinir les rapports de force sur les mers. Cette perspective inquiète non seulement Washington, mais aussi l’Europe et les pays de l’Indo-Pacifique, qui voient dans cette expansion une menace pour la liberté de navigation et la stabilité régionale.
L’ambition navale de Pékin dépasse la simple démonstration de puissance. Elle reflète une vision stratégique globale, visant à garantir une suprématie militaire, économique et politique. Mais cette quête hégémonique pourrait provoquer des tensions accrues, voire des conflits ouverts, dans un monde déjà marqué par des rivalités croissantes.