Motion de censure : pendant que la France patine, l’UE avance

Le 17 décembre prochain, les ministres européens de l’environnement se réuniront à Bruxelles pour le Conseil « Environnement », une instance où se dessinent les grandes orientations stratégiques de la politique climatique et environnementale de l’Union européenne pour 2025. Cette réunion survient alors qu’une motion de censure contre le Premier ministre Michel Barnier votée le mercredi 4 décembre rend par ricochet Agnès Pannier-Runacher démissionnaire de son poste de ministre de la Transition énergétique.

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Par Anton Kunin Publié le 5 décembre 2024 à 15h30
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Le Conseil « Environnement » : un levier stratégique de l’Union européenne

Le Conseil « Environnement » réunit les ministres des États membres, le commissaire à l’Environnement et le commissaire chargé de l’Action climatique. Il s'agit d'une plateforme stratégique pour orienter les politiques climatiques et environnementales de l'UE, avec des implications économiques majeures. Parmi les sujets à l’ordre du jour figurent la directive sur le greenwashing, qui vise à imposer des contrôles stricts sur les allégations environnementales des entreprises et prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 4 % de leur chiffre d’affaires. On y trouve également la restauration de la nature, avec des mesures contraignantes pour protéger les écosystèmes dégradés, susceptible d’imposer des coûts supplémentaires aux industries agroalimentaires et énergétiques.

Mais derrière les objectifs environnementaux, ce Conseil devient le théâtre de rivalités économiques déguisées. Une coalition menée par les pays nordiques et le Luxembourg milite pour des restrictions plus strictes sur les émissions industrielles. De leur côté, l’Allemagne et l’Autriche s’opposent fermement à l’inclusion du nucléaire dans le Fonds européen de développement, privant la France de subventions pour une énergie pourtant quasiment décarbonée. Ironiquement, la France, deuxième contributeur net au budget de l'UE après l'Allemagne, finance ainsi indirectement les énergies renouvelables de cette dernière, qui reste par ailleurs l'un des plus gros pollueurs d’Europe avec une empreinte carbone de 7,9 tonnes de CO₂ par habitant en 2022.

Une position française affaiblie par la crise politique

La crise politique française, marquée par une motion de censure contre Michel Barnier, compromet la représentation de la France à Bruxelles. Comme Agnès Pannier-Runacher est contrainte de quitter ses fonctions, cela prive la délégation française d’une figure clé dans les négociations. Cette absence affaiblit d’autant plus la défense des intérêts français, notamment dans le débat sur l’inclusion du nucléaire ou les politiques industrielles européennes.

La France traverse par ailleurs une phase difficile en matière industrielle. En 2023, 70 sites industriels ont fermé ou sont menacés, un chiffre alarmant alors que la réindustrialisation est un impératif stratégique. Les nouvelles régulations européennes, notamment celles sur les sols et les déchets, pourraient ajouter des contraintes financières estimées à plusieurs milliards d’euros pour les entreprises françaises. Avec une électricité décarbonée à 93 %, principalement grâce au nucléaire, la France se voit paradoxalement pénalisée alors qu’elle affiche l’un des mix énergétiques les plus propres de l’UE.

Une industrie française en danger

Les nouvelles normes environnementales européennes, bien qu’indispensables pour répondre à l’urgence climatique, exercent une pression considérable sur l’emploi industriel, en particulier dans les secteurs énergivores ou à fortes émissions de CO₂. Dans le secteur automobile, avec les exigences de réduction des émissions pour les véhicules thermiques, des milliers d’emplois dans les chaînes de montage risquent de disparaître. L’ACEA (Association des Constructeurs Européens d'Automobiles) estime qu’environ 500 000 postes pourraient être menacés d'ici 2035 dans ce secteur seul.

La sidérurgie est elle aussi mal en point. Les mesures visant la décarbonation des procédés industriels, comme l’utilisation de l’hydrogène, augmentent considérablement les coûts de production, compromettant la compétitivité européenne face aux importations en provenance de Chine ou d’Inde. La France a déjà perdu 2 millions d’emplois industriels depuis les années 1980, et les projections liées aux nouvelles directives environnementales évoquent un risque supplémentaire de pertes dans des régions déjà fragilisées, comme les Hauts-de-France ou la Bourgogne-Franche-Comté.

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