Le RPPRAC refuse l’accord sur la vie chère et plonge la Martinique dans l’impasse

Après presque trois mois de violences urbaines et sept volets de négociations, un accord a enfin été signé en Martinique le 16 octobre dernier. Autorités locales et distributeurs se sont entendus pour baisser les prix alimentaires de 20% en moyenne sur un panel de 6 000 produits de consommation courante. Pour autant, la mobilisation sociale n’a pas baissé la garde et le RPPRAC a refusé de signer le protocole. Malgré l’effort auquel ont consenti les entreprises, la situation sociale et politique de l’île antillaise semble toujours dans une impasse.

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Par La rédaction Politique Matin Publié le 7 décembre 2024 à 10h36
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Colère contre la vie chère

La révolte sans précédent qui gronde depuis début septembre en Martinique est une réaction au différentiel de prix sur les produits alimentaires, en moyenne 40% plus chers sur l’île qu’en France continentale. Pour la population locale, touchée par un taux de pauvreté deux fois supérieur à celui de l’Hexagone, l’éloignement de la Martinique, qui importe 80% de ses produits de consommation courante, est un prétexte insuffisant. Aussi, le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC), qui est né de ce mécontentement, s’en est-il pris aux groupes de grande distribution et aux autorités locales, désignés coupables.

Un accord conciliant un large éventail d’acteurs...

Devant l’ampleur de la crise, tout un éventail d’acteurs allant de la préfecture aux supermarchés en passant par le Grand Port Maritime de Martinique et le transporteur international CMA-CGM a ratifié le « protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère » le 16 octobre dernier. Concrètement, l’État s’est engagé à supprimer « l’octroi de mer » – une taxe sur les importations – sur 54 familles des produits les plus consommés en Martinique et à pratiquer une TVA à taux zéro sur un panel encore plus large. Sont concernés par exemple les pâtes, le beurre, le lait, les haricots rouges, le fromage, ou encore les pommes, les oranges et les biscottes. L’État s’est également proposé de soutenir la production agricole locale dans l’optique de privilégier les circuits courts.

De leur côté, les entreprises de grande distribution ont accepté de geler leurs taux de marge sur la vente des produits concernés et de répercuter sur les prix de vente les bénéfices qui découleront de la suppression de l’octroi de mer. Le Grand Port Maritime s’est engagé à mettre en place une tarification différenciée des frais portuaires appliquée à un panel de 69 familles de produits de première nécessité. Quant aux transporteurs, ils pourraient baisser leurs prix de fret moyennant une participation financière de l’État qui reste à définir. Quoiqu’il en soit, cet accord est un pas significatif envers les revendications des habitants martiniquais. Un pas qui pourrait ouvrir un nouvel horizon pour l’avenir économique de l’île.

... mais pas le RPPRAC, qui persiste dans l’opposition violente

Toutefois, ce protocole n’a pas suscité l’adhésion du RPPRAC et de son leader Rodrigue Petitot, ce dernier réclamant un alignement de tous les prix sur ceux de la France continentale. Après quelques jours d’accalmie, les violences urbaines ont repris de plus belle en dépit de l’accord. Dans la nuit du 20 octobre, une douzaine de barrages ont à nouveau bloqué les routes martiniquaises, une station-service a été pillée tandis que les forces de l’ordre essuyaient des jets de projectiles de bandes d’individus cagoulés et déploraient un blessé dans leurs rangs. Nonobstant les appels de la préfecture à la désescalade, le RPPRAC rejetait de l’huile sur le feu en appelant à une nouvelle journée de mobilisation contre la vie chère le lundi.

Rodrigue Petitot, ancien repris de justice sans passé militant ou syndical, a finalement été reconnu coupable d’actes d’intimidation envers des élus martiniquais et condamné à 10 mois de prison ferme aménageable, avant d’être à nouveau poursuivi pour la violation du domicile du préfet pour laquelle il restera écroué jusqu’à son procès en janvier. Si son mouvement a suscité l’adhésion des ménages aux revenus modestes, il est néanmoins limité par l’absence de direction politique claire et prévisible. En mélangeant les revendications légitimes des habitants, un discours idéologique « décolonial » et les appels à la rébellion violente, il a entretenu une certaine confusion qui a finalement coûté cher à la Martinique.

La facture salée des violences

De fait, les premiers bilans après presque trois mois d’émeutes sont pour le moins alarmants. 142 entreprises auraient été incendiées ou saccagées, 3400 salariés placés en chômage partiel, 500 véhicules brûlés, des milliers d’emplois menacés... La facture des débordements est déjà estimée entre 80 et 100 millions d’euros selon la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Martinique.

Les entreprises de l’hôtellerie, la restauration, les loisirs ou encore le commerce de détail subissent de plein fouet les destructions et les couvre-feux, enregistrant des pertes allant parfois de 30 à 80% de leur chiffre d’affaires. C’est tout particulièrement le cas de la filière touristique, fer de lance de l’économie martiniquaise, qui peinait déjà à se relever de la crise sanitaire et qui pâtit de la crise sociale en première ligne. Sans compter les départs des groupes d’assurance comme Generali, Allianz ou Groupama – déjà éprouvés en Nouvelle Calédonie – qui ne peuvent plus se porter garants du « risque émeute » pour les entreprises. Une nouvelle inquiétante pour une zone exposée aux catastrophes naturelles.

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