Syrie : chute de Bachar Al Assad, et après ?

Le régime de Bachar al-Assad, président syrien de confession alaouite, est tombé dans la nuit du 7 au 8 décembre 2024, mettant fin à plus de 50 ans de pouvoir du parti Baas. Cet événement est le résultat d’une offensive coordonnée menée par Abou Mohammed al-Joulani, leader de l’organisation terroriste anciennement affiliée à Al-Qaïda, Hayat Tahrir al-Sham (HTS).

Axelle Ker
Par Axelle Ker Modifié le 9 décembre 2024 à 11h50
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Chute du régime de Bachar Al-Assad

Le régime de Bachar Al-Assad, en place depuis 2000, suite de la mort de son père Hafez Al-Assad,  s’est effondré dans la nuit du 7 au 8 décembre 2024 après une offensive rapide et d'une rare efficacité. Depuis le 27 novembre 2024, les attaques contre le régime de Damas ont été coordonnées par l'organisation terroriste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), une coalition d'islamistes dirigée par Abou Mohammed al-Joulani. En quelques jours seulement, les villes Hama, Rastan, Talbisseh, provoquant plus de 180 000 déplacés. Comme le souligne Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, « la progression des rebelles a été rapide et méthodique. Les forces loyalistes se sont effondrées face à l’avancée coordonnée des rebelles».

Abou Mohammed al-Joulani, chef de Hayat Tahrir al-Sham, se positionne désormais comme l'architecte de la transition syrienne à venir. Né en 1982 à Damas, il a rejoint Al-Qaïda en Irak avant de fonder le Front al-Nosra en 2011, qu’il a ensuite transformé en Hayat Tahrir al-Sham en 2016 après une rupture avec Al-Qaïda.« Notre objectif est d’instaurer une gouvernance stable et de garantir la sécurité de tous les Syriens», a ainsi déclaré Abou Mohammed al-Joulani. Toutefois, son passé djihadiste, ses nombreuses accusations de crimes de guerre, ainsi que les liens de son organisation avec des attaques terroristes menées à l'étranger, notamment en France, nourrissent la méfiance d'une partie de la communauté internationale. Pour Michel Duclos, ancien ambassadeur de France en Syrie, « al-Joulani est un pragmatique. Mais ses ambitions politiques sont entachées par son passé djihadiste, et il reste difficile de lui accorder une véritable crédibilité internationale».

Un revers pour la Russie, une opportunité pour la Turquie

Outre cette défaite pour le parti Baas et de la relative stabilité du pays depuis la guerre civile, la chute du régime d’Assad marque un revers stratégique pour ses principaux alliés, soit la Russie et l’Iran. Depuis 2015, Moscou avait joué un rôle central dans le maintien du régime de Damas en lui fournissant notamment son appui militaire. Cependant, la guerre en Ukraine a considérablement réduit l'attention et la capacité de la Russie à intervenir en Syrie. « Les Russes peuvent encore sauver l’essentiel, s’ils parviennent à négocier le maintien de leur base navale de Tartous et de leur base aérienne de Khmeimim», analyse Michel Duclos, ancien ambassadeur de France en Syrie.

Pour la Turquie, la prise du pouvoir de Damas par HTS, qu'elle a appuyé, représente  « une opportunité pour stabiliser la région ». Cela signifie pour Ankara : sécuriser ses frontières, notamment vis-à-vis des Kurdes, renvoyer les réfugiés syriens présents sur son sol et éviter l’expansion des groupes islamistes dans le nord de la Syrie, sous-entendu, éviter  « que leur ancien client, le HTS, leur échappe », pour reprendre les mots de Michel Duclos.

 L'État hébreu, quant à lui, observe la situation non sans une certaine inquiétude. Comme le rappelle en effet l'ancien ambassadeur de France en Syrie, les israéliens « sont ambivalents car ils perdent en Assad quelqu’un qui leur a été très utile. N’oublions pas que pendant très longtemps la Syrie était un protectorat israélo-iranien ». De fait, le gouvernement israélien a renforcé sa présence militaire sur le plateau du Golan, craignant ainsi que la Syrie, tombée aux mains du HTS, ne se traduise par une montée en puissance des groupes djihadistes à proximité de ses frontières. Michel Duclos conclu avec « une certitude : la chute du régime syrien libère des capacités de négociations pour les Turcs, les Iraniens et les Russes vis-à-vis de Washington ».

Une nouvelle ère plus qu'incertaine pour la Syrie

Le président Emmanuel Macron s'est précipité pour féliciter la chute du régime d'Assad sur X (ex-Twitter) : « L'État barbare est tombé. Je rends hommage au peuple syrien, à son courage, à sa patience. En ce moment d’incertitude, je lui adresse mes vœux de paix, de liberté et d’unité. La France restera engagée pour la sécurité de tous au Moyen-Orient. » Un sentiment partagé par Joe Biden qui a par ailleurs appelé « à une réunion d’urgence du Conseil de sécurité pour garantir que cette transition soit gérée de manière ordonnée et éviter une nouvelle vague de violence. »
Même approche de la part du prochain président des États-Unis, bien qu'exprimée de manière plus brutale, Donald Trump ayant déclaré que : « La Syrie n’est pas notre problème (...) La Syrie est un bordel, ne nous en mêlons pas. » La Chine, quant à elle, maintient une position prudente, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères ayant signifié : « Nous souhaitons que toutes les parties concernées agissent dans l’intérêt fondamental du peuple syrien, afin de trouver rapidement une solution politique permettant de rétablir la stabilité en Syrie. » Quoi qu'il en soit, les perspectives d'une domination de l'organisation terroriste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) et de son chef Abou Mohammed al-Joulani inquiètent particulièrement les minorités, notamment chrétiennes et alaouites et ouvre une nouvelle ère remplie d'incertitudes pour la Syrie. « Toutes les mesures doivent être prises pour assurer la protection de toutes les minorités et éviter les représailles et les actes de vengeance », a insisté ce lundi 9 décembre 2024 le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk.
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Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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