La dissolution du NFP : un coup stratégique d’Emmanuel Macron ?

Au lendemain des discussions à l’Élysée, la gauche française semble vaciller. La stratégie du président Emmanuel Macron, visant à fracturer le Nouveau Front Populaire (NFP), pourrait bouleverser l’équilibre politique à l’Assemblée nationale.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 11 décembre 2024 à 10h00
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Mardi 10 décembre, Emmanuel Macron a reçu à l’Élysée les principaux chefs de partis, à l’exception notable de La France Insoumise (LFI). L’objectif affiché : discuter des alliances possibles pour garantir une stabilité institutionnelle. Selon les participants, cette réunion a illustré les divisions internes au sein du NFP.

Macron face au NFP : diviser pour mieux régner

L'objectif d'Emmanuel Macron est relativement clair : démanteler le NFP lui permettra de récupérer une majorité relative à l’Assemblée nationale. En effet, le président pourrait espérer rallier les socialistes, jugés plus modérés, afin de limiter la capacité d’opposition de LFI. La France Insoumise, qui représente le noyau dur de l'opposition, est en effet une formation bruyante et peu encline aux compromis.

Si Emmanuel Macron parvient à convaincre les socialistes de le soutenir, il pourrait non seulement neutraliser l’opposition mais également consolider sa propre position pour les années à venir. La dissolution du NFP serait alors un coup double : affaiblir une opposition fracturée tout en se constituant une majorité fonctionnelle.

Dissolution du NFP : le Parti socialiste face à un dilemme

Cependant, cette stratégie comporte des risques. Un éclatement du NFP pourrait entraîner un renforcement de l’extrême droite, notamment du Rassemblement National, en capitalisant sur la frustration des électeurs de gauche. Comme l’a souligné Jean-Luc Mélenchon lors d’un récent meeting : « Si le NFP implose, ce sera un cadeau à Macron et à Le Pen. »

Olivier Faure, premier secrétaire du Parti Socialiste (PS), a laissé entendre que des discussions autour d’un « accord de non-censure » pourraient être envisageables. Cette position divise néanmoins les rangs socialistes. Comme le souligne Pierre Jouvet, secrétaire général du PS : « Le rassemblement de la gauche est un totem auquel nous tenons, mais la trahison, c'est de rester en marge alors que nous essayons d'améliorer les conditions de vie des Français. »

Néanmoins, certains députés socialistes se trouvent démotivés par les positions extrêmes de La France Insoumise, qui se fait une fierté de ne jamais accepter de compromis. Jérôme Guedj, député PS, explique ainsi sur BFMTV préférer une « avancée qui permette l'accord de non-censure » plutôt que « chacun campe sur ses positions ». Il regrette donc que la France insoumise se soit « avancée qui permette l'accord de non-censure » plutôt que « détachée de la position commune qu'on avait avec l'intersyndicale ».

LFI dans la tourmente

Jean-Luc Mélenchon, leader de LFI, a dénoncé avec véhémence ce qu’il qualifie de « manœuvre politicienne » visant à isoler son mouvement. Il a déclaré : « Si le NFP est détruit par le ralliement à Macron de nos partenaires, on sait ce que ça nous coûtera. Ils se font balader par Macron, c'est une erreur catastrophique. » Cette absence reflète un choix stratégique de la part du chef de l’État, qui cherche à séduire les socialistes modérés tout en affaiblissant LFI, souvent perçue comme la branche la plus radicale du NFP.

Manuel Bompard, cadre du parti, a accusé les partenaires du NFP d’avoir crédibilisé une opération visant à affaiblir l’opposition. Il a déclaré : « Macron se donne un rôle qui n’est pas le sien, et les discussions à l’Élysée le renforcent inutilement. » L'implication d'Emmanuel Macron dans la dissolution du NFP peut en effet se concevoir comme une entorse à la séparation des pouvoirs. Le président, chef du pouvoir exécutif, use de son influence pour changer la donne au sein du pouvoir législatif, l'Assemblée nationale.

De leur côté, les écologistes, représentés notamment par Sandrine Rousseau, invitée de Sud Radio le 10 décembre, restent prudents mais fermement attachés à l’idée d’un NFP unifié. Elle a proposé des solutions alternatives, comme un référendum d’initiative citoyenne pour résoudre la crise sur la réforme des retraites, sujet de discorde majeure.

La réforme des retraites va-t-elle tuer le NFP ?

Au sein du Parti Socialiste, la question des retraites représente un dilemme : rester fidèle à la coalition du NFP ou opter pour une position plus modérée. Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a plaidé pour une « conférence de financement », une proposition issue des organisations syndicales. Il espère ainsi convaincre les autres partis de gauche, tout en offrant une alternative crédible à Emmanuel Macron.

Cette position distingue le PS de la ligne du NFP. EN effet, pour LFI, la réforme des retraites reste une ligne rouge. Manon Aubry, députée européenne, a dénoncé la stratégie de compromis : « Nous avons la majorité à l’Assemblée nationale pour abroger cette réforme. Nous ne pouvons pas céder face aux manœuvres de Macron. » La difficulté étant que cette majorité ne tiendra peut-être plus très longtemps. Et sans majorité, difficile de placer un Premier ministre.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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