Le 19 décembre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a fait paraître un arrêté qui interdit aux Etats membres de l’UE de refuser les allocations familiales “à un travailleur étranger dont les enfants, nés dans un pays tiers, ne justifient pas être entrés régulièrement sur son territoire”.
La Cour de justice de l’UE interdit de refuser les allocations familiales aux étrangers en situation irrégulière
Nouvel appel d'air à l'immigration ou garantie de conditions de vie dignes ? La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a tranché l'affaire d'un travailleur arménien entré illégalement en France avec sa famille : il touchera désormais les allocations familiales. Profitant de cette jurisprudence, la CJUE a généralisé cette décision par un arrêté qui servira pour les situations semblables à venir.
Entré illégalement en France avec sa famille, il demande les allocations familiales
En 2008, explique la CJUE, un couple arménien entre illégalement en France avec leurs deux enfants, nés en Arménie. Trois ans plus tard, ils ont un troisième enfant, cette fois-ci né en France. En 2014, le père décide de demander les allocations familiales à la CAF des Hauts-de-Seine, à Nanterre. Elles lui sont refusées au motif qu'il ne peut pas fournir de document prouvant l'entrée régulière des enfants en France. Et pour cause. Si le père a maintenant une carte de séjour temporaire, ce qui lui permet de travailler, ses deux enfants n'ont aucun papier valable pour toucher les allocations familiales en France.
La bataille s'engage. La cour d'appel de Versailles confirme le refus de la CAF, mais la Cour de cassation annule cet arrêt en 2022 au motif que la cour d'appel de Versailles n'a pas répondu aux arguments du travailleur arménien. Ce dernier faisait valoir la directive sur le permis unique. En 2011, l'Union européenne a créé une procédure de demande unique qui doit permettre la délivrance d'un permis unique aux ressortissants de pays tiers. Ils peuvent ainsi travailler et vivre sur le territoire d'un Etat membre. La cour d'appel de Versailles renvoie alors l'affaire à la Cour de justice.
La difficulté de l'entrée illégale en France
Pour la Cour de Versailles, il s'agissait de savoir si la CAF pouvait refuser les allocations familiales aux personnes dont les enfants sont entrés illégalement sur le sol français. Les enfants sont bien sûr la condition principale de toucher des allocations familiales, et ils doivent en principe être nés en France, y être entrés par le regroupement familial ou disposer d'un titre prouvant la régularité de leur présence en France. Les enfants de ce travailleur arménien n'étaient ni dans aucun de ces trois cas. La CAF des Hauts-de-Seine ne reconnaissait donc que le troisième enfant, né en France. Or, avec un seul enfant, il n'est pas possible de toucher les allocations familiales.
La CJUE a cependant arrêté qu'il était "contraire au droit de l’Union de subordonner le droit aux prestations familiales des ressortissants de pays tiers résidant régulièrement en France à une condition supplémentaire, consistant à devoir
justifier de l’entrée régulière sur le territoire français des enfants au titre desquels les prestations familiales sont demandées". Autrement dit, lorsqu'un parent est en situation régulière, il peut demander les allocations familiales pour ses enfants, même si eux ne sont pas en situation régulière.
Un précédent dangereux ?
La décision de la CJUE peut paraître juste. Il s'agit d'accorder l'égalité de traitement aux ressortissants des pays de l'Union européenne. Toutefois, tous les Etats membres de l'Union européenne ne proposent pas les mêmes services et aides à ceux qui y résident. Ainsi, en 2023, la France a dépensé presque 850 milliards d'euros dans des prestations sociales, soit le tiers de son PIB. Il s'agit là du plus haut taux d'Europe. Autrement dit, un travailleur modeste a beaucoup plus d'intérêt à vivre en France qu'ailleurs, par exemple en Arménie.
Les prestations sociales accordées par la France coûte déjà cher au pays, donc au contribuable qui paie les cotisations sociales via les divers impôts et taxes. Initialement, ce modèle avait été conçu pour garantir une vie digne à tous les Français, y compris ceux qui ne gagnaient pas assez pour prendre soin d'eux et de leur famille. Aujourd'hui, les facilités de déplacement, tant logistiques qu'administratives, ouvrent ce généreux système à de nombreuses personnes. Le fardeau devient de plus en plus lourd, et risque d'être un jour insoutenable, s'il ne l'est pas déjà.