Une nouvelle proposition de loi relance le débat sur la concurrence déloyale et la souveraineté alimentaire. Peut-on réellement protéger l’agriculture française tout en respectant les accords commerciaux internationaux ?
Agriculture : les produits importés devront respecter les normes françaises
Le 6 février 2025, l’Assemblée nationale débattra d’une proposition de loi présentée par Antoine Vermorel-Marques, député des Républicains, visant à interdire l’importation de produits agricoles ne respectant pas les normes françaises. Cette initiative intervient dans un climat social tendu marqué par plus d’un an de manifestations agricoles et une colère croissante face aux accords de libre-échange. Peut-elle réellement rétablir une équité pour les agriculteurs français ou risque-t-elle de créer de nouvelles tensions dans le milieu de l'agriculture ?
Une proposition pour l'agriculture française et pour responsabiliser les importateurs
Député des Républicains élu dans la cinquième circonscription de la Loire et membre de la Commission du développement durable à l’Assemblée nationale, Antoine Vermorel-Marques met en avant une réalité criante. Les agriculteurs français, contraints par des normes sanitaires, environnementales et sociales rigoureuses, subissent une concurrence déloyale des produits importés.
Le député propose non seulement de renforcer les contrôles, mais aussi de responsabiliser directement les importateurs. En cas d’infraction, des peines allant jusqu’à six mois de prison et 150 000 euros d’amende sont prévues.
Cette mesure repose sur le principe des « clauses miroirs », alignant les exigences imposées aux produits importés sur celles des producteurs français, notamment en matière de normes sanitaires et environnementales. Pour garantir son application, des contrôles renforcés aux frontières seront nécessaires, avec une collaboration accrue entre les douanes et les organismes sanitaires.
« Nous demandons à nos agriculteurs d’être les plus vertueux, mais nous laissons entrer des produits qui ne respectent pas ces mêmes standards », explique Antoine Vermorel-Marques au JDD. Cette mesure est destinée à protéger les exploitations locales, confrontées à des pratiques de dumping social et écologique.
Les agriculteurs en colère : plus qu’une crise économique
Depuis l’hiver 2024, les syndicats agricoles dénoncent une précarité croissante. Selon Greenpeace, les marges des producteurs sont écrasées par la grande distribution, et les prix payés restent inférieurs aux coûts de production dans certaines filières comme la viande et les céréales.
Le gouvernement multiplie les réunions avec les syndicats. Toutefois, les promesses d’aides financières et de simplification administrative tardent à se concrétiser. Cette lenteur nourrit un sentiment d’abandon parmi les agriculteurs.
L’accord Mercosur : un point de rupture entre les agriculteurs français et l'Union Européenne
Le récent accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur exacerbe les tensions. Ce traité supprime les droits de douane sur des produits comme la viande et le soja, cultivés avec des pesticides interdits en Europe. Les agriculteurs français y voient une menace directe. « C’est cynique : ces produits arrivent à bas coût tout en détruisant notre environnement et notre économie », déplore un porte-parole de la FNSEA. Cet accord symbolise pour beaucoup l’échec de l’Europe à protéger ses producteurs.
Un contexte agricole qui n'arrange rien
Le contexte agricole français reflète une position paradoxale. Premier producteur agricole européen et deuxième en matière de pêche maritime, la France demeure un acteur majeur sur le plan mondial. Pourtant, depuis 2015, le commerce agricole avec les pays de l’Union européenne affiche un déficit, malgré un excédent global pour les échanges de produits agricoles bruts et transformés.
Cette situation s’inscrit dans un secteur en pleine mutation. L’emploi agricole, qui représente seulement 2,7 % de l’emploi total en 2022, poursuit son déclin, marqué par une réduction des exploitations familiales au profit de salariés non familiaux. Les exploitants font face à une forte volatilité des revenus pour des raisons climatiques, géopolitiques et économiques.
Vers une réforme agricole
La proposition de loi d’Antoine Vermorel-Marques marque une étape importante dans la reconnaissance des enjeux agricoles français. Sa réussite dépendra de sa mise en œuvre et de sa compatibilité avec les engagements internationaux de la France. En attendant, les agriculteurs souhaitent des actions concrètes pour garantir leur survie. Leur colère ne sera pas apaisée par des demi-mesures.