Submersion migratoire : l’expression fera-t-elle tomber François Bayrou ?

En parlant de submersion migratoire, François Bayrou a peut-être planté un nouveau clou dans le cercueil de son budget. Le Parti socialiste (PS) a suspendu les discussions budgétaires le 28 janvier, juste avant leur entretien destiné à finaliser un accord avec François Bayrou.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 29 janvier 2025 à 9h48
submersion migratoire, Bayrou (1)

Un petit mot pour l'homme, un grand trouble pour la France. Lors d'une interview sur LCI lundi 27 janvier, le Premier ministre François Bayrou a évoqué un « sentiment de submersion » migratoire qui serait ressenti par un certain nombre de Français face au nombre croissant de personnes issues de l'immigration sur le territoire. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'expression ne plaît pas à tout le monde.

Une alliance avec la gauche fragilisée

Sans majorité absolue à l'Assemblée nationale, alors que le Rassemblement National et le Nouveau Front Populaire disposent d'une force d'opposition non-négligeable, l'alliance avec le PS et les Républicains (LR) est vitale pour le gouvernement. Or, en ce qui concerne le PS, cette alliance vacille à la suite des propos de François Bayrou concernant le « sentiment de submersion » migratoire. Ainsi, la délégation socialiste attendue mardi 28 janvier au soir à Bercy pour finaliser un accord portant sur le budget a annulé sa venue. 

Cette décision suspend la nouvelle épée de Damoclès de la motion de censure au-dessus de la tête de François Bayrou. Mi-janvier, les députés PS s'étaient engagés à ne pas censurer le Premier ministre, ce qui n'avait pas du tout plu à la France Insoumise. Or, le retrait socialiste des négociations budgétaires permet de se demander si cet engagement est toujours d'actualité.

« Sentiment de submersion » migratoire : les socialistes s'indignent, François Bayrou persiste

L'expression de François Bayrou n'a rien d'un mot malheureux. Interrogé par les socialistes au cours des questions d'actualité au gouvernement mardi 28 janvier, le Premier ministre a évoqué « des mots adaptés à la réalité. » Le tout sous l'approbation bruyante des députés RN, ce qui n'a pas manqué de déplaire à la gauche. Le parti socialiste a donc suspendu les négociations budgétaires. Une manière de dire que l'on ne se pose pas impunément en désaccord avec la gauche.

En effet, pour la gauche, parler de sentiment de submersion migratoire revient à valider les thèses de l'extrême-droite. Boris Vallaud, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, a ainsi signalé à François Bayrou que « si vous gouvernez avec les préjugés de l'extrême droite, nous finirons gouvernés par l'extrême droite, et vous en aurez été le complice. » Un argument qui n'a pas convaincu François Bayrou, selon qui le gouvernement ne doit ni « nier » ni « exagérer » les problèmes, mais les résoudre.

Le gouvernement ne sait sur quel pied danser

Dans un gouvernement constitué de personnes appartenant aussi bien à la droite qu'à la gauche, les propos de François Bayrou dérangent. Ainsi, Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale, a reconnu qu'elle n'aurait « jamais tenu ces propos » et qu'ils la « gênent ». La droite en revanche, et notamment le Rassemblement National, ne cache pas sa joie. Sébastien Chenu, député RN, se félicite par exemple que son parti ait « gagné la bataille idéologique ».

François Bayrou se mordra peut-être longtemps les doigts d'avoir évoqué un sentiment de submersion migratoire. Les conséquences de cette expression se font déjà ressentir, avec le retrait du parti socialiste des négociations budgétaires. Il devait assurer au gouvernement le soutien du PS jeudi prochain, lors d'un accord sur le budget en commission mixte paritaire. Cette décision du parti socialiste de se retirer des négociations est dramatique pour le gouvernement, qui n'a toujours pas de budget pour l'année 2025 au 29 janvier.

La submersion migratoire, un sentiment ou une réalité ?

Au-delà des polémiques diverses, il reste les faits, et en l'occurrence, les chiffres. L'Insee affirme que la population étrangère vivant en France représente 8,2 % de la population totale, contre 6,5 % en 1975. Avec une hausse de deux points, on ne peut évidemment pas parler de submersion. Cependant, la submersion migratoire prend également en compte les descendants d'immigrés et les migrants naturalisés, qui sortent des statistiques de l'Insee. Ainsi, en 2021, 10 % de la population française hors Mayotte était immigrée, 20 % de la population parisienne et 32 % de celle de la Seine-Saint-Denis.

D'autres chiffres montrent également ce que l'on peut appeler une submersion migratoire. En 2020, on compte ainsi 3 % de non-européens chez les plus de 80 ans, contre 30 % chez les moins de 4 ans. Autrement dit, dans vingt ans, la population d'origine étrangère aura encore augmenté. En 1973, 4 %  des nouveaux-nés étaient d'origine extra-européenne, contre 28 % en 2023. Un phénomène dont Jean-Luc Mélenchon se félicite par ailleurs.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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