Ukraine : un échange de territoires pour en finir avec la guerre ?

Depuis le début du conflit en 2022, chaque tentative de négociation entre l’Ukraine et la Russie a échoué sur l’autel des exigences irréconciliables. Pourtant, une lueur d’espoir semble émerger.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 12 février 2025 à 9h23
Ukraine
Ukraine : un échange de territoires pour en finir avec la guerre ? - © PolitiqueMatin

Volodymyr Zelensky a évoqué pour la première fois un scénario qui aurait été inimaginable il y a quelques mois : un échange de territoires entre la Russie et l'Ukraine pour arriver à un cessez-le-feu durable.

Un échange territorial : la stratégie risquée de Volodymyr Zelensky

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a déclaré être prêt à envisager un échange de territoires avec la Russie sous certaines conditions. « Si Donald Trump parvient à amener l’Ukraine et la Russie à la table des négociations, nous échangerons un territoire contre un autre », a affirmé le chef de l’État ukrainien dans un entretien au Guardian.

Jusqu’ici, Kiev s’était toujours opposé à toute concession territoriale, arguant que chaque kilomètre carré de son territoire devait être reconquis. Ce revirement est donc une rupture stratégique, bien qu’entourée de nombreuses ambiguïtés. D’une part, Zelensky assure ne pas savoir quel territoire il réclamerait en retour : « Je ne sais pas, nous verrons. Mais tous nos territoires sont importants, il n’y a pas de priorité. » D’autre part, l’Ukraine envisagerait d’échanger une partie de la région frontalière russe de Koursk, dont elle a pris le contrôle il y a six mois, contre des zones sous occupation russe.

Ce changement de cap s’explique en partie par l’intensification des combats dans l’est de l’Ukraine. L’armée russe progresse et Kiev manque d’équipements, tandis que l’aide militaire américaine se fait attendre et que l'ONU se concentre sur l'aide humanitaire. Pour Zelensky, cette ouverture diplomatique semble être une tentative de négocier depuis une position de force plutôt que de subir une défaite progressive. En effet, de plus en plus de pays rechignent à fournir une aide militaire et orientent leurs efforts vers la reconstruction. Ainsi en est-il du Royaume-Uni, qui a promis d'aider l'Ukraine pendant 100 ans.

Les territoires en jeu : une équation insoluble pour l'Ukraine

L’un des points les plus épineux de cette proposition concerne la nature même des territoires concernés. La Crimée, annexée par la Russie en 2014, reste une priorité pour Kiev, qui exige son retour sous souveraineté ukrainienne. Moscou, de son côté, refuse catégoriquement d’inclure la péninsule dans les négociations. En 2022, la Russie a également annexé quatre autres régions : Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia, bien qu’elle n’en ait jamais eu le contrôle total. Ces territoires, revendiqués par Kiev comme faisant partie intégrante de son territoire, sont au cœur des combats actuels.

Si l’échange concerne uniquement la région de Koursk contre certaines zones du Donbass, le Kremlin pourrait y voir un avantage. Mais céder un territoire reconnu comme russe en échange de zones considérées comme « libérées » par Moscou compliquerait l’acceptation du plan par Vladimir Poutine.

D’un autre côté, Kiev ne peut pas se permettre d’abandonner une partie de son sol sans garanties. La question des ressources stratégiques pourrait être un facteur clé. L’Ukraine détient d’importantes réserves minières et Zelensky aurait déjà proposé aux États-Unis un accès prioritaire à ces ressources pour les convaincre de soutenir un futur accord.

Les influences extérieures : Washington à la manœuvre

Derrière ces déclarations, un acteur clé se profile : les États-Unis. Donald Trump a fait de la fin de la guerre en Ukraine une promesse phare de sa campagne et appelé à la paix à de multiples reprises sur les réseaux sociaux. Il a également assuré que si la Russie et l'Ukraine ne parvenaient pas à s'entendre, les Etats-Unis entreraient dans les négociations et les y contraindraient. Il aurait dépêché son émissaire spécial, Keith Kellogg, afin de préparer un plan de paix.

Pour Washington, la guerre en Ukraine représente un gouffre financier et un frein à la réorientation stratégique vers l’Asie. Donald Trump, qui a fait de la baisse des dépenses publiques son cheval de bataille, cherche à minimiser l’implication américaine tout en préservant les intérêts de son pays, notamment en matière d’accès aux matières premières ukrainiennes.

Vers un accord ou une impasse ?

De son côté, Vladimir Poutine joue une partition plus complexe. Officiellement, Moscou ne reconnaît pas la souveraineté ukrainienne sur les régions annexées et exige une capitulation totale. Pourtant, le Kremlin a accueilli les déclarations de Zelensky avec prudence. Dmitri Peskov, porte-parole de la présidence russe, a estimé que « toute partie significative de l’Ukraine cherchant à devenir russe est une réalité ». Une façon implicite de dire que des négociations sont envisageables… mais pas à n'importe quelles conditions.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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