Richard Ferrand a été confirmé de justesse à la présidence du Conseil constitutionnel ce mercredi 19 février 2025 par le Parlement.
Conseil constitutionnel : Ferrand nommé, le cadeau de Marine à Emmanuel

Richard Ferrand nommé à une voix près
L’ancien président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand a frôlé l’échec lors de son passage devant le Parlement. Sur les 97 voix exprimées, seulement 39 ont soutenu sa nomination, tandis que 58 s’y sont opposées. Or, selon la règle des trois cinquièmes, il en fallait 59 pour bloquer la candidature. Ce score étriqué montre une nomination sans adhésion franche, malgré l’appui d’Emmanuel Macron.
L’ancien député socialiste, devenu un pilier du Président de la République, a dû répondre à des critiques virulentes. Son absence de formation juridique, sa proximité avec le président de la République et son passé judiciaire (affaire des Mutuelles de Bretagne, classée pour prescription) ont nourri des réticences au sein des parlementaires. Le vote au Sénat a été tout aussi défavorable : sur 40 votes exprimés, seuls 14 étaient favorables, contre 26 opposés. À l'Assemblée, Richard Ferrand a réussi à rallier à sa cause 25 voix contre 32 défavorables à sa nomination.
L’un des éléments majeurs de ce scrutin a été l’abstention stratégique des députés du Rassemblement national. En s’abstenant, les élus RN ont permis à Richard Ferrand d’échapper à un rejet assuré. Pourtant, quelques jours auparavant, leurs représentants dénonçaient un choix dicté par l’Élysée, estimant que "l’institution doit se garder de tendre vers un gouvernement des juges".
Cette position a immédiatement soulevé des questions au sein de l’opposition. "Qu’a négocié Marine Le Pen en échange de son abstention ?", a lancé Mathilde Panot sur son compte X, présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale. La députée Sophie Taillé-Polian a insinué que le RN pourrait espérer "des faveurs en retour, notamment sur une potentielle QPC liée à l’inéligibilité de Marine Le Pen". Ce soupçon est d’autant plus crédible que la cheffe du RN fait face à une procédure judiciaire pouvant la priver d’éligibilité pour cinq ans (le verdict sera connu le 31 mars 2025).
Si cette abstention a permis à Richard Ferrand de l’emporter, elle a aussi exposé le RN à de nombreuses critiques. La gauche y voit un "allégeance implicite à la macronie", tandis que certains cadres des Républicains dénoncent un "revirement incompréhensible".
Un Conseil constitutionnel sous influence ?
Cette nomination suscite une autre question de fond : celle de l’indépendance du Conseil constitutionnel. Richard Ferrand, proche d’Emmanuel Macron depuis la fondation de La République en Marche en 2016, devra prouver qu’il n’est pas un simple relais du pouvoir exécutif. Ses détracteurs rappellent que cette institution, garante du respect de la Constitution, doit rester imperméable aux pressions politiques.
Interrogé sur ses compétences juridiques, Richard Ferrand a défendu son parcours en affirmant : "Je ne suis pas un professionnel du droit, mais comme vous, un serviteur de la République." Une déclaration qui peine à convaincre ses opposants, notamment Olivier Marleix (LR), qui a remis en cause son indépendance vis-à-vis de l’Élysée.
Par ailleurs, certains dossiers brûlants attendent Richard Ferrand, notamment la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur l’inéligibilité d’un élu de Mayotte, une décision qui pourrait avoir des répercussions sur le sort judiciaire de Marine Le Pen.
Si Richard Ferrand a réussi à prendre la tête du Conseil constitutionnel, il démarre son mandat sous haute tension. Le scrutin serré démontre une fracture entre les soutiens de la majorité présidentielle et le reste du paysage politique. Le rôle joué par le RN dans cette élection laisse planer le doute sur des tractations non avouées, tandis que la question de l’indépendance du Conseil constitutionnel demeure centrale.
L’ancien président de l’Assemblée nationale aura fort à faire pour démontrer son impartialité et restaurer la confiance en une institution déjà critiquée pour sa proximité avec le pouvoir. Son premier grand test sera sans doute la décision sur la QPC du 3 avril 2025, qui pourrait donner un premier aperçu de sa gestion des dossiers sensibles.