A 4000 km de la France, l’Azerbaïdjan tient une place prépondérante sur l’échiquier géopolitique de l’Asie centrale. Indépendant depuis 1991, le pays peut s’appuyer sur des institutions solides dans un environnement complexe. En cette veille d’élections législatives dans le pays, faisons les présentations.
L’Azerbaïdjan a connu depuis le Moyen-Age une histoire mouvementée, alternance d’invasions, de périodes de prospérité, d’occupations étrangères, jusqu’à sa mise sous tutelle par l’URSS en 1918 et à son indépendance définitivement acquise en 1991. Une histoire riche, dont les traces sont visibles tant dans les grandes villes – de l’actuelle capitale Bakou à l’ancienne Nakhitchevan – que dans les campagnes avec de nombreux sites préhistoriques. Présidé par Ilham Aliyev, ce pays de 10 millions d’habitants a trouvé une place à part entière dans le concert des nations, en étant membre des Nations unies, ou encore du Conseil de l’Europe.
Les incontournables voisins du Caucase
Depuis l’éclatement de l’Union soviétique en 1991, l’Azerbaïdjan a su émerger parmi ses voisins, entouré au nord par la Russie, au nord-ouest par la Géorgie, à l’ouest par l’Arménie et au sud par l’Iran chiite. Sa façade orientale – où se situe la capitale Bakou – est baignée par la mer Caspienne. Malgré ces voisins (puissants, souvent rivaux), le pays a su jouer sa carte, imposer son modèle original, préserver ses intérêts légitimes et modeler ses alliances :
- Avec la Russie : historiquement – et ce bien avant l’URSS –, Russie et Azerbaïdjan sont intrinsèquement liés, géographie oblige. Aujourd’hui, cela vaut principalement sur les plans diplomatique et commercial. Lors d’une conférence en janvier 2020 à Bakou, Anatoly Torkunov – recteur du Moscow State Institute of International Relations (MGIMO) – s’est félicité du niveau des échanges commerciaux entre les deux pays et des investissements bilatéraux. « Les rapports entre les présidents Poutine et Aliyev sont basés sur la confiance. Cinq feuilles de route sont en cours pour développer la coopération entre les deux pays. »
- Avec la Géorgie : entre Bakou et Tbilissi, les relations sont au beau fixe. Elue présidente de ce pays en 2018, Salomé Zourabichvili s’est empressée de fixer une visite officielle à Bakou. Chose faite en février 2019 : « Je suis arrivée en Azerbaïdjan en tant que présidente d’un pays ami. Tous les présidents géorgiens étaient des amis de l’Azerbaïdjan et je poursuis cette tradition. Il n’y a pas d’autre alternative à notre relation et nous avons des liens prometteurs. » Dont acte.
- Avec l’Iran : lors de son dernier déplacement à Bakou en décembre 2019, le président iranien Hassan Rouhani a souligné la force de la coopération entre les deux pays. Plusieurs joint ventures donnent entière satisfaction, comme le barrage de Khoda Afarin dans le domaine énergétique. Les relations entre Bakou et Téhéran sont aussi linguistiques et culturelles, les Azéris constituant la deuxième ethnie en Iran. « De nos jours, il y a davantage d’Azéris en Iran (au moins 12 millions) qu’en Azerbaïdjan (9 millions) », note en 2015 Simon Fauret, chercheur à l’Institut national de l’information géographique.
- Avec l’Arménie : entre Erevan et Bakou, une tension politique élevée demeure à cause du conflit entre les deux pays, lié à l’enclave du Haut-Karabagh. Malgré l’absence de relations diplomatiques, les présidents des deux pays se rencontrent régulièrement, comme l’an dernier encore à Vienne. Pour Thomas de Wall, analyste à la fondation Carnegie, « le processus, qui était complètement à l’arrêt, a été relancé, bien que très lentement ». Les rencontres les plus récentes entre ministres des affaires étrangères illustrent la poursuite des négociations.
Si l’échiquier caucasien comprend bien d’autres pions, les pièces maîtresses sont là. L’Azerbaïdjan en fait partie, et ce n’est pas le fruit du hasard.
Institutions laïques et régime parlementaire
Car la stabilité du Caucase tient aussi, depuis presque trente ans, à la stabilité politique, institutionnelle et religieuse de l’Azerbaïdjan. Si, en 1920, une première tentative de République azerbaïdjanaise a été matée par l’Armée rouge, les fondamentaux, particulièrement solides dès le début du XXe siècle, sont restés les mêmes : Bakou affiche un régime parlementaire et démocratique, une société multiculturelle et surtout un modèle laïc dans un pays à 95% musulman (le premier du genre, avant même la Turquie). La place des femmes – qui ont pu voter dès 1919, soit 25 ans avant la France ! – est également centrale dans la société azérie.
Côté "élections", les Azerbaïdjanais sont d’ailleurs appelés à renouveler les 125 sièges de députés lors du scrutin législatif du 9 février. Pour cette nouvelle étape dans la vie politique du pays, les deux mots d’ordre sont pluralité et transparence. Quelque 1637 candidats – dont 357 femmes – se disputeront les suffrages des électeurs, et représenteront 19 partis politiques différents. Ces élections seront placées sous haute surveillance. Les bureaux de vote – tous équipés de caméras – accueilleront 861 observateurs étrangers, représentant pas moins de 57 organisations internationales. Une délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) s’est d’ailleurs rendu fin janvier en Azerbaïdjan pour préparer le processus électoral afin de donner des recommandations pour la transparence de l’organisation. Selon Peter Galkevich, observateur pour CIS-EMO International Monitoring Missions, « les préparatifs des élections législatives se déroulent à un bon niveau, d’après nos observations au sein des commissions électorales de circonscription et dans les bureaux de vote ». Les médias étrangers seront également de la partie, avec 156 médias sur le terrain. Plusieurs entreprises étrangères seront en charge de sondages à la sortie des urnes, tel que l’institut français Opinion Way. À Bakou, le gouvernement veut mettre toutes les chances de son côté pour faire de ces élections une réussite, au même titre que l’ensemble des réformes en cours dans les domaines politique, économique et social.
Une stratégie de partenariats internationaux
Étape historique des Routes de la soie, l’Azerbaïdjan est aussi le fruit de sa géographie, au carrefour des lignes Russie-Iran, Turquie-Russie et Asie-Europe. Le pays regarde naturellement dans toutes les directions, à commencer par son environnement direct, en étant membre de l’Organisation de la coopération islamique, de l’Organisation de coopération économique ou encore du Conseil turcique.
Sur la scène internationale, dès les premières années de son indépendance, l’Azerbaïdjan s’est rapproché de l’Otan, en plusieurs étapes. « L’adhésion de l’Azerbaïdjan au Partenariat pour la paix (PPP) en 1994 marque le début de la coopération bilatérale, note l’Organisation de l’Atlantique nord. Grâce à sa participation régulière aux activités du PPP, le pays est en mesure de contribuer activement à la sécurité euro-atlantique en fournissant un appui aux opérations de soutien de la paix dirigées par l’Otan. » Le pays préside également le Mouvement des pays non-alignés jusqu’en 2022, organisation dont il a accueilli le 18e sommet l’année dernière.
Bakou a également le regard tourné vers l’Union européenne qui a ouvert, en 2010, les premières négociations pour un accord d’association. « Le partenariat avec l’Union européenne est l’une des principales priorités de la politique étrangère de l’Azerbaïdjan, a déclaré le président Aliyev dans un discours à Bruxelles en 2017. Nous avons entamé des négociations actives sur le nouvel accord. Cela créera des opportunités de coopération entre nos pays. » L’Azerbaïdjan participe déjà à plusieurs programmes de coopération, la délivrance des visas pour les ressortissants azerbaïdjanais ayant également été facilitée. Tourné vers l’Europe et bien intégré à son environnement immédiat, l’Azerbaïdjan de la décennie 2020 se place dans un cercle vertueux. Une stabilité qui ne fera qu’accroître son attractivité.