Avant même de définir la gravité de la faute, qui repose sur un franchissement de seuil qui devrait être évident aux consciences mais qui, dans un monde politique sans bornes morales, est comparativement mineure, il convient de s'interroger sur la posture des politiques par rapport à la presse.
Quelle est donc cette manie et cette fébrilité qui consiste à courir se justifier, donner des gages et se confondre en communication chaque fois qu’un journaliste ouvre la boîte à scandale ?
Bien sûr, j'appelle un renouvellement foncier de la classe politique et c'est bien le sens de mon livre : faire advenir les chefs naturels, capable de courage et de discernement, en lieu et place de l'alliance indigeste de vendeurs et d'experts qui fait semblant de gouverner le pays.
Je l’ai écrit, François Fillon est un chef en second : c’est un bon coordinateur de l’action, silencieux et soucieux de l’efficacité, mais un piètre élaborateur de vision. Il bricole de manière collaborative quelque chose qui ne lui est pas naturel. Il sait réagir aux événements opérationnels, pas concevoir un positionnement instinctif dans l’échiquier politique et médiatique. En cela il est plus fait pour être premier ministre que Président, même si par comparaison il est plus légitime au poste que bien des candidats.
Le mal fondamental de François Fillon c'est d'avoir dès le départ cédé à cette incantation médiatique idiote et irréalisable de l'irréprochabilité. D'une part parce que la perfection n'existe pas dans ce bas monde mais surtout parce qu'un chef n’est pas payé pour se faire aimer sur la base d’une image mais pour savoir traverser les situations de gros temps. Cela ne se mesure pas en gages, en discours ni en pics de retweets mais en trajectoire de long terme, au milieu des vagues et pas sur le plateau du 20H.
Dans une traversée il y a des moments où l’on se tait. Et dans le cas présent il était d’abord urgent d’évaluer la gravité du mal pour prendre une décision ferme et définitive. Soit le mal est profond et l’on reconnait son forfait, soit, malgré tout le gite qu’il produit, il est affrontable, et alors on avance au large en résistant aux sirènes de la culpabilisation.
Un chef ne doit rien aux médias. Aucune convocation ne saurait le dérouter d’enjeux supérieurs. Rien n’oblige à parler tout le temps de tout, bien au contraire. Le propre du temps et du silence, comme le discernement, c’est de redonner aux choses leur juste place dans un contexte qui les dépasse.
Les médias sont forts du pouvoir qu’on leur laisse. Ils sont en dehors de l’espace-temps de l’action. Ils ne sont plus des « médiateurs » mais un pouvoir à part entière. Et leur objectif n’est pas le bien commun mais l’audimat. Ils nous enferment dans leur agitation émotionnelle comme Hanouna dans son plateau à idiots. La connexion au juste et au bon sens n’existe plus, le futile y tonitrue, le caprice de l’instantané y règne par décrets. Et nos politiques châtrés y courent, écervelés mais flattés et bien vite assassinés.
Qui combat par l’image périra par l’image.