Le 6 février 2025, les résultats des élections aux chambres d’agriculture ont confirmé un changement profond : la FNSEA, longtemps dominante, perd du terrain face à la Coordination rurale.
Agriculture : la Coordination rurale s’impose, la FNSEA en difficulté

La Coordination rurale en force : une percée historique
Les urnes ont parlé : la Coordination rurale a remporté la direction d’au moins douze chambres d’agriculture, contre seulement trois lors du précédent scrutin. Ce syndicat, historiquement en position de challenger, s’est imposé en Gironde, en Lozère, dans les Ardennes, mais aussi en Dordogne où il l'emporte pour la première fois.
Cette poussée s’inscrit dans un contexte de tension croissante entre agriculteurs et institutions. La Coordination rurale, connue pour son discours virulent contre l’administration et l’Union européenne, a su capter l’exaspération d’une partie du monde agricole.
FNSEA : un recul douloureux, mais un bastion qui tient
La FNSEA reste en tête à l’échelle nationale, mais elle encaisse un revers brutal. Arnaud Rousseau, président du syndicat, note cependant que « la FNSEA reste la première force syndicale agricole, avec des listes arrivées en tête dans plus de 80 % des départements. »
Le syndicat majoritaire n’a pas complètement perdu son influence, conservant de nombreuses chambres stratégiques. Mais ce recul est symptomatique d’une défiance grandissante envers un modèle de cogestion avec l’État, perçu comme déconnecté des réalités du terrain.
Les syndicats agricoles : des visions opposées
Loin d’être un simple duel FNSEA-Coordination rurale, ces élections ont révélé un éclatement des forces syndicales. Ainsi, la FNSEA, syndicat majoritaire depuis des décennies, défend un modèle productiviste et pro-européen. Ce syndicat veille également à ses relations avec l'Etat et les institutions.
De l'autre côté, la Coordination rurale revendique une rupture avec la politique agricole commune et défend une agriculture familiale et indépendante. Ce syndicat participe également à des opérations coups de poing. Le dernier membre du triumvirat est la Confédération paysanne, qui défend l'écologie et les petites exploitations. Elle est peu représentée mais progresse en Ardèche et en Guyanne.
Réactions des agriculteurs : entre satisfaction et scepticisme
Du côté des votants, la victoire de la Coordination rurale est accueillie avec enthousiasme, mais aussi avec prudence. Un agriculteur de Dordogne signale ainsi que son soutien n'est pas acquis. « Ça fait des années qu’on nous promet du changement, mais rien ne vient. On a voté Coordination rurale parce qu’il fallait secouer le cocotier. Maintenant, on attend des résultats. »
Tous les agriculteurs ne partagent cependant pas ce désir de révolte. Un céréalier du Cher, fidèle à la FNSEA, tempère : « La colère ne fait pas une politique agricole. On verra si la Coordination rurale est capable de gouverner, au-delà des slogans. »
FNSEA : l'agriculture dans la continuité
La FNSEA défend une agriculture intensive, structurée autour d’exploitations de grande taille et tournée vers l’exportation. Son programme repose sur une logique de compétitivité et de maintien des aides européennes. Le syndicat soutient notamment les exploitations agricoles à grande échelle, considérant qu’elles sont les mieux armées pour faire face à la concurrence internationale. Il plaide également pour une transition écologique progressive, insistant sur la nécessité d’éviter toute rupture brutale qui pénaliserait les producteurs.
Attachée à la Politique agricole commune (PAC), la FNSEA considère ce dispositif comme indispensable au financement du secteur et à sa stabilité économique. En parallèle, elle mise sur des négociations avec la grande distribution pour garantir une meilleure rémunération aux agriculteurs, tout en préservant les accords commerciaux qui permettent d’exporter la production française à l’étranger.
Coordination rurale : une rupture radicale
La Coordination rurale adopte une posture résolument opposée à celle de la FNSEA, prônant une agriculture plus souveraine et moins dépendante des réglementations européennes. Elle milite pour une sortie de la PAC, qu’elle juge trop contraignante et responsable d’une mise en concurrence déloyale des agriculteurs français avec des productions étrangères à bas coût. Cette volonté de rupture avec les institutions européennes s’accompagne d’une critique virulente des normes environnementales imposées au secteur agricole, notamment celles sur l’usage des pesticides et la gestion des jachères, perçues comme des freins à la productivité.
Le syndicat défend également une régulation stricte des prix agricoles, afin de garantir une rémunération décente aux exploitants et de lutter contre la volatilité des marchés. Il réclame un allègement des contraintes administratives, dénonçant la bureaucratie excessive et le poids des chambres d’agriculture dans la gestion des exploitations. À travers ces revendications, la Coordination rurale aspire à un modèle plus indépendant, où les agriculteurs retrouveraient une autonomie de décision face aux institutions et aux marchés internationaux.