La chute récente d’Alep, seconde ville de Syrie, a marqué un revers stratégique majeur pour le régime de Bachar al-Assad. Cette ville autrefois prospère est tombée aux mains des rebelles de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), scellant un nouvel épisode tragique dans une guerre civile interminable. Ce dénouement dramatique révèle les failles structurelles du régime syrien et redistribue les cartes géopolitiques au Moyen-Orient. Une analyse.
Alep : la chute d’une ville et d’un régime
Une offensive fulgurante, un effondrement annoncé
L’offensive des rebelles, déclenchée le 27 novembre 2024, a frappé comme un coup de tonnerre. Les combattants du HTS, renforcés par des factions locales, ont déferlé depuis Idlib, brisant les défenses du régime en l’espace de trois jours. L’aéroport stratégique d’Alep, ainsi que plusieurs bâtiments gouvernementaux, sont tombés sans grande résistance. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) rapporte un bilan provisoire de plus de 370 morts parmi les combattants et soldats loyalistes.
Ce succès éclair met en lumière l’usure des forces du régime. Malgré le soutien aérien de la Russie, l’armée syrienne n’a pas été en mesure de contenir l’avancée. Cette défaite illustre l’érosion de la capacité militaire d’un régime acculé, pris en étau entre ses ennemis internes et des alliés sur lesquels il ne peut plus compter pleinement.
Alep : un microcosme de la guerre syrienne
Symbole de la prospérité économique syrienne avant la guerre, Alep est devenue le théâtre des ambitions divergentes des puissances régionales et internationales. Depuis le début du conflit en 2011, la ville a changé de mains à plusieurs reprises, oscillant entre les rebelles et le régime. La reprise partielle d’Alep par Assad en 2020, grâce à une campagne brutale menée par la Russie, semblait être une victoire durable. Mais cette récente défaite remet en question l’autorité même du président syrien.
Les acteurs présents dans cette bataille reflètent les multiples dimensions du conflit syrien :
•Hayat Tahrir al-Sham (HTS) : Ce groupe rebelle, héritier de la branche syrienne d’al-Qaïda, s’est imposé comme une force majeure à Idlib. Sa capacité à mobiliser rapidement des combattants et à coordonner des offensives éclaire sur son organisation militaire sophistiquée.
•La Turquie : Soutien tacite des rebelles, Ankara cherche à affaiblir le régime tout en réduisant l’influence des forces kurdes dans le nord de la Syrie.
•La Russie et l’Iran : Alliés historiques du régime, ils peinent à maintenir leur soutien face à l’intensification des fronts. Leur désengagement relatif explique en partie cette débâcle.
Une défaite stratégique pour Bachar al-Assad
L’échec d’Alep n’est pas simplement militaire ; il est aussi politique. Depuis plusieurs années, le président syrien s’appuie sur ses alliés étrangers pour asseoir son pouvoir. Cette dépendance à la Russie et à l’Iran s’est toutefois transformée en talon d’Achille. Alors que Moscou est embourbé dans d’autres conflits régionaux, et que l’Iran fait face à une pression internationale croissante, le soutien au régime syrien s’érode.
En parallèle, la Turquie renforce son rôle dans le nord de la Syrie, profitant des faiblesses du régime pour étendre son influence. Alep, à quelques dizaines de kilomètres de la frontière turque, devient ainsi un levier stratégique dans les négociations géopolitiques.
Un avenir incertain pour Alep et la Syrie
Pour les habitants d’Alep, cette nouvelle occupation ne promet guère d’apaisement. Si les rebelles de HTS ont promis une gouvernance moins répressive, leurs antécédents jettent un doute sur la stabilité à venir. La population, déjà traumatisée par des années de conflit, oscille entre espoir et désespoir.
À l’échelle régionale, la chute d’Alep redéfinit les équilibres de pouvoir. La Russie et l’Iran doivent désormais composer avec une Turquie en position de force. Pendant ce temps, les États-Unis observent de loin, dénonçant l’incapacité du régime syrien à s’engager dans des réformes ou des processus de paix.
Vers un nouveau chapitre incertain
La chute d’Alep illustre la complexité et la brutalité de la guerre syrienne, où se mêlent aspirations locales et rivalités internationales. Pour Bachar al-Assad, cette défaite est une humiliation de plus dans un conflit qui a déjà coûté la vie à plus de 400 000 Syriens et déplacé des millions d’autres. Si Alep symbolisait autrefois la résilience du régime, elle incarne aujourd’hui son effondrement progressif.
Le futur de la Syrie dépendra des compromis que les puissances étrangères seront prêtes à accepter. Mais pour l’instant, Alep reste le théâtre de tragédies humaines et politiques, capturant l’essence même de cette guerre dévastatrice.