Le FMI alerte : la croissance stagne et le monde se disloque

Le FMI confirme ce que nombre d’économistes redoutaient : la croissance mondiale ne redémarre pas. Derrière les chiffres, se joue un affrontement idéologique autour du rôle de l’État, des choix budgétaires et de la coordination internationale. Sommes-nous entrés dans l’ère d’une stagnation molle, mais structurelle ?

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By Paolo Garoscio Published on 23 avril 2025 11h02
Croissance France Estimations Fmi
@shutter - © PolitiqueMatin

Le 22 avril 2025, le Fonds monétaire international a publié son nouveau rapport semestriel, Perspectives de l’économie mondiale. À rebours de la rhétorique de relance, l’organisation alerte sur un monde qui s’installe dans une croissance basse, inégale, et durablement affaiblie. Le tableau est posé : « Un moment crucial dans un contexte de réorientations des politiques publiques »​. Mais la vraie question demeure : qui pilote, et vers quoi ?

La stagnation comme horizon : quand l’inaction devient politique

Le FMI prévoit une croissance mondiale de 3,2 % en 2024 et 2025, un chiffre modeste, constant depuis 2023. Selon le rapport, il s’agit du niveau de croissance quinquennale le plus faible depuis plusieurs décennies​. En cause ? Non pas un effondrement économique, mais une normalisation d’une dynamique faible, alimentée par des politiques budgétaires restrictives et un essoufflement de l’investissement productif.

Le caractère préoccupant de cette situation n’échappe pas à l’institution. Elle note que « les perspectives à moyen terme restent faibles du fait de freins structurels persistants qui empêchent capital et travail de se redéployer vers les entreprises les plus productives »​.

À défaut d’un choc externe, c’est une sorte de paralysie volontaire qui s’installe. Les gouvernements, confrontés à l’endettement post-COVID et à une inflation partiellement résorbée, choisissent la prudence. Mais cette prudence est en réalité une politique. Et elle a un prix : le FMI alerte sur « le risque que des politiques de réduction trop brutale des déficits n’érodent la confiance et n’épuisent le soutien à des réformes pourtant indispensables »​.

Le tournant fiscal américain : entre relance et rupture idéologique

Aux États-Unis, le paradoxe est saisissant. La croissance reste dynamique, mais au prix d’un déficit budgétaire jugé « non soutenable » par le FMI​. Le gouvernement Biden, puis son successeur républicain, ont maintenu une politique expansionniste, mais sans assise structurelle.

Le rapport pointe une anomalie : l’économie américaine tourne grâce à une surstimulation, alors même que la Fed tente de freiner l’inflation. Ce décalage crée une situation politiquement instable, où les mesures économiques peinent à converger. Le FMI avertit que « la coordination entre politique monétaire et budgétaire est cruciale pour éviter un atterrissage brutal »​.

L’Europe entre rigueur et fragmentation politique

Sur le Vieux Continent, c’est l’austérité discrète qui prime. Sous couvert de retour à la discipline budgétaire, nombre d’États réduisent leurs dépenses publiques au moment même où l’activité faiblit. Le FMI pointe le risque d’une erreur de pilotage : « Un resserrement fiscal simultané dans les grandes économies européennes pourrait peser davantage que prévu sur la demande agrégée »​.

La France, par exemple, affiche une croissance prévisionnelle de 0,6 % en 2025, selon le FMI. À cela s’ajoutent une défiance grandissante des électeurs envers les politiques de rigueur, et un clivage institutionnel autour du rôle de la Banque centrale européenne. L’Allemagne, elle, persiste dans son orthodoxie budgétaire, malgré les appels à plus de flexibilité.

Géopolitique et climat : les impensés de la stagnation

Le FMI identifie deux angles morts majeurs : le climat et la géopolitique. La fragmentation géoéconomique, née de la guerre en Ukraine et prolongée par les tensions sino-américaines, ralentit la circulation des capitaux, des biens et des talents. « Le protectionnisme progressif pourrait durablement ralentir la croissance potentielle mondiale », prévient l’organisation​.

Quant au changement climatique, il est bien présent dans le rapport, mais rarement traité comme moteur économique. Le FMI appelle à plus de coordination multilatérale pour financer la transition énergétique et restructurer la dette des pays vulnérables. Un appel entendu, mais peu écouté.

Ce que révèle ce rapport n’est pas seulement un ralentissement technique. C’est le retour du politique dans l’économie mondiale. Chaque bloc semble tracer sa propre trajectoire, sans coordination ni ambition commune. Le FMI, pourtant institution fondée sur la coopération multilatérale, peine à faire entendre sa voix.

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Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013. Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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