Alexis Kohler : de l’Élysée aux marchés financiers

Le vendredi 28 mars 2025, la Société Générale a officialisé la nomination d’Alexis Kohler comme directeur général adjoint du groupe bancaire, avec une prise de fonctions prévue en juin.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 28 mars 2025 à 13h54
Alexis Kohler
Alexis Kohler : de l’Élysée aux marchés financiers - © PolitiqueMatin

Les couloirs du pouvoir ont parfois des portes dérobées vers les conseils d'administration. Certains y voient une simple évolution de carrière, d'autres un recyclage institutionnalisé. Alexis Kohler, actuel secrétaire général de l’Élysée et figure pivot du dispositif macronien depuis 2017, s’apprête à quitter ses fonctions mi-avril, après huit années de service à ce poste stratégique.

Un départ annoncé, une nomination stratégique

Selon le communiqué officiel de la Société Générale, Alexis Kohler sera « Président de la Banque d’Investissement » et rejoindra le comité exécutif de la banque. Rattaché directement à Slawomir Krupa, directeur général du groupe, Kohler aura en charge une large coordination stratégique des activités de fusions-acquisitions, du marché des capitaux actions, des financements d’acquisition ainsi que de la relation clients corporate.

Mais ce n’est pas tout : il supervisera aussi la Direction des ressources humaines, la Communication, le Secrétariat général et assistera le DG dans la mise en œuvre des programmes de transformation du groupe bancaire. Un périmètre à la fois technique et politique, qui exige une finesse de gouvernance dont Alexis Kohler n’a jamais manqué.

Alexis Kohler récolte des éloges dithyrambiques

Dans le monde feutré des grandes manœuvres bancaires, la déclaration de Slawomir Krupa a le ton de l’éloge public : « Je me réjouis vivement de l’arrivée d’Alexis Kohler au Comité exécutif de Société Générale. Il apportera au Groupe son talent, sa grande expérience et son engagement exceptionnel », annonce le communiqué officiel.

Du côté politique, Emmanuel Macron n’est pas resté silencieux. Dans une rare déclaration au Figaro publiée la veille, le président a salué « son énergie, son talent et sa force de travail hors pair au service de notre projet politique et des Français ». Une phrase qui clôt une collaboration présidentielle inédite, marquée par la longévité : Alexis Kohler est le seul secrétaire général de la Ve République à avoir accompli un mandat complet aux côtés d’un chef d’État.

Alexis Kohler, ingénieur du pouvoir

Alexis Kohler, c’est l’homme de l’ombre qui n’a jamais cherché la lumière. Issu de Sciences Po Paris, diplômé de l’ESSEC et énarque, il a d’abord officié dans les arcanes de Bercy, comme directeur de cabinet de Pierre Moscovici, puis d’Emmanuel Macron au ministère de l’Économie. Sa carrière s’est également construite à l’international, au sein du FMI, de la Banque mondiale, et de MSC (Mediterranean Shipping Company), une entreprise familiale au cœur d’un contentieux judiciaire le visant – l’affaire MSC – pour prise illégale d’intérêts, classée sans suite après enquête.

À l’Élysée, il fut la clé de voûte de la macronie, discret mais omniprésent, redouté pour sa rigueur autant que pour sa capacité à verrouiller l’appareil. Son départ ne marque pas simplement une transition : c’est la fin d’un cycle.

Quand les anciens du pouvoir se reconvertissent dans le privé

L’arrivée de Kohler dans la sphère bancaire s’inscrit dans une tendance de fond. De nombreux anciens ministres ou conseillers macronistes ont rejoint le secteur privé ces dernières années. La liste ressemble à un annuaire du pouvoir recyclé : Christophe Castaner conseille Shein sur sa responsabilité sociale ; Jean-Baptiste Djebbari, ex-ministre des Transports, a siégé chez Hopium puis chez Evera ; Sibeth Ndiaye officie chez Adecco ; Muriel Pénicaud siège chez Manpower et Galileo Global Education ; Brune Poirson est chez Accor.

Et ce ne sont que quelques noms dans une cohorte de reconversions parfois décriées, souvent suspectées, rarement interdites. Le cas de Jean-Baptiste Djebbari est d’ailleurs emblématique : en 2022, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique avait refusé sa nomination chez CMA-CGM pour risque de conflit d’intérêts. La porosité entre fonctions publiques et intérêts privés continue d’alimenter le débat démocratique.

Recasage ou parcours logique ?

Alors, évolution légitime ou recasage camouflé ? Dans le cas d'Alexis Kohler, les deux lectures cohabitent. D’un côté, une expertise indiscutable, forgée dans les structures étatiques, les institutions financières internationales et le plus haut niveau du pouvoir exécutif. De l’autre, une transition jugée opportune, voire suspecte, pour un homme dont les décisions ont souvent concerné directement les milieux qu’il rejoindra.

Rien d’illégal, tout est conforme. Mais ce jeu de chaises musicales soulève des questions structurelles sur la gestion des conflits d’intérêts, la régulation des allers-retours entre public et privé, et le pouvoir d’attraction des grandes entreprises sur les hauts fonctionnaires.

En attendant, c’est Emmanuel Moulin qui prendra la place de Kohler à l’Élysée le 14 avril. Et le monde de la finance, lui, s’apprête à accueillir un nouveau joueur de poids, venu du sommet de l’État.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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2 commentaires on «Alexis Kohler : de l’Élysée aux marchés financiers»

  • Sans doute, Emmanuel Moulin officie depuis un moment en tant que secrétaire général adjoint de l’Elysée avant de prendre le poste de secrétaire général le 15 avril au matin!

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  • Quant à Alexis, il faudra que ses patrons fassent attention aux crises de colère d’Alexis!!!!!!….

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