L’Allemagne, en récession : l’onde de choc

L’Allemagne, autrefois leader incontesté de l’économie européenne, vacille sous le poids d’une récession prolongée. Avec une baisse de 0,2 % de son PIB en 2024, la première économie européenne enregistre sa deuxième année consécutive de contraction.

Adelaide Motte
Par Adélaïde Motte Publié le 16 janvier 2025 à 9h38
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L'Allemagne, autrefois leader incontesté de l'économie européenne, vacille sous le poids d'une récession prolongée. Avec une baisse de 0,2 % de son PIB en 2024, la première économie européenne enregistre sa deuxième année consécutive de contraction.

Un déclin confirmé par des chiffres accablants

L’annonce officielle, le 15 janvier 2025, d’une nouvelle contraction de l’économie allemande de 0,2 % en 2024, marque la deuxième année consécutive de récession pour le pays. En 2023, le PIB avait déjà reculé de 0,3 %. Ces chiffres sont issus des estimations de l’institut Destatis, qui confirme un recul sur deux années consécutives. Ce constat alarmant est aggravé par une baisse de 2,5 % des exportations, autrefois pilier de la prospérité allemande. La hausse du chômage, passé de 5,4 % en 2023 à 6,1 % en 2024, illustre également l’impact social de cette crise.

Les entreprises manufacturières, cœur de l’économie allemande, peinent à maintenir leur compétitivité face à des concurrents chinois de plus en plus agressifs et à une explosion des coûts énergétiques depuis 2022. Ce contexte international, combiné à une consommation intérieure morose, où les ménages limitent leurs dépenses malgré une hausse de leurs revenus, achève de dessiner un tableau inquiétant.

Les réponses contrastées du gouvernement allemand

Face à cette situation, Olaf Scholz, chancelier issu du Parti social-démocrate (SPD), a mis en avant la nécessité d’assouplir les règles budgétaires, historiquement strictes en Allemagne, pour relancer les investissements publics. Dans un discours prononcé à Berlin, il a affirmé : « Nous ne pouvons pas rester prisonniers des dogmes d’hier. L’Allemagne a besoin d’un nouveau souffle, et cela passe par des investissements ambitieux dans l’innovation et les infrastructures. » Toutefois, cette position divise profondément le paysage politique allemand. L’opposition conservatrice, menée par la CDU/CSU, reste attachée au fameux frein à la dette inscrit dans la Constitution allemande. Pour Friedrich Merz, leader de la CDU, « sacrifier notre rigueur budgétaire reviendrait à hypothéquer l’avenir des générations à venir. »

Les experts économiques se montrent tout aussi partagés. Jens-Oliver Niklasch, économiste à la banque LBBW, souligne que « la stratégie de Scholz est risquée, mais elle pourrait s’avérer nécessaire si l’Allemagne veut éviter une stagnation prolongée. » À l’inverse, Clemens Fuest, président de l’Institut Ifo, met en garde contre les effets inflationnistes d’une augmentation de la dette publique, déclarant que « la crédibilité économique de l’Allemagne repose sur sa discipline budgétaire. »

France-Allemagne : des trajectoires opposées

Alors que l’Allemagne s’enlise dans une récession, la France affiche une croissance modeste de 0,5 % en 2024, selon les données de l’Insee. Cette divergence s’explique en partie par des structures économiques différentes. La France, moins dépendante de ses exportations industrielles, bénéficie d’une économie plus diversifiée, avec un secteur des services particulièrement robuste. En revanche, elle souffre d’un déficit public nettement plus élevé, atteignant 6,1 % du PIB en 2024, contre seulement 2,6 % pour l’Allemagne.

Le marché de l’emploi français, bien que plus fragile en apparence, a mieux résisté grâce à des politiques publiques de soutien à l’emploi. Avec un chômage stable à 7,8 %, la France se montre plus résiliente sur ce plan. Cependant, les défis ne manquent pas. La dépendance à la dépense publique et un endettement croissant posent des questions sur la soutenabilité de ce modèle à moyen terme.

Olaf Scholz et la rupture avec l’héritage d’Angela Merkel

L’ère Olaf Scholz marque un tournant majeur pour l’Allemagne. Alors qu’Angela Merkel, chancelier pendant seize ans, incarnait la stabilité et une gestion budgétaire stricte, Olaf Scholz s’inscrit dans une dynamique de transformation, notamment avec de nouvelles taxes. En rompant avec les principes fondamentaux de la CDU/CSU, notamment sur la rigueur budgétaire, Olaf Scholz a voulu moderniser l'économie allemande et semble bien l'avoir considérablement fragilisée.

Ce basculement a néanmoins exacerbé les fractures politiques internes et renforcé l’incertitude économique. Sous Angela Merkel, l’Allemagne était perçue comme le champion incontesté de l’Europe, un modèle de discipline et de croissance. Aujourd’hui, le pays semble vaciller, fragilisé par un modèle économique qui peine à s’adapter à un monde multipolaire et à des crises énergétiques et climatiques inédites. Cette transformation, bien que nécessaire selon certains, menace de diluer l’influence allemande en Europe et d’affaiblir son rôle de leader au sein de l’Union. De plus, elle renforce le parti de droite l'AfD pour les élections législatives.

Adelaide Motte

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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