Dans un avis du 17 juillet 2023, l’Académie nationale de médecine vient de se prononcer pour un droit « à
titre exceptionnel » à l’assistance au suicide, alors que le gouvernement a demandé aux députés de
préparer un projet de loi sur la fin de vie.
Assistance au suicide : l’Académie de médecine y est favorable
L’assistance au suicide est déjà possible dans l’État d’Oregon, où le patient, atteint d’une affection grave avec un pronostic vital estimé à moins de 6 mois, se fait délivrer par son pharmacien unesubstance, qu’il est ensuite libre d’ingérer ou non. On estime à 60% le nombre de patients qui, rentrés chez eux, passent à l’acte. Le suicide assisté se pratique également en Suisse (où le patient se voit remettre la substance létale qu’il avale sur le champ) et dans plusieurs autres pays d’Europe de l’Ouest.
Dans son avis, l'Académie nationale de médecine présente le suicide assisté comme « un nouveau droit pour aider à mourir le moins mal possible ». L’Académie entretient l’opinion selon laquelle actuellement, dans certaines situations exceptionnelles, la meilleure façon de mourir pour un patient serait de l’aider à mettre un terme à sa vie. Le suicide est ainsi présenté comme un acte « compassionnel », et comme « une ultime liberté de choix pour le patient ». Permettre un droit au suicide comme un des moyens de « mieux mourir » tout en préconisant concomitamment la mise en place « sur l'ensemble du territoire d’une offre en soins palliatifs correspondant aux besoins et accompagnée des moyens nécessaires » me paraît incompatible. Soit l'Académie nationale de médecine affirme que les soins palliatifs conformes à la loi Clayes Leonetti sont la meilleure réponse pour accompagner la fin de vie, soit elle reconnaît implicitement que la volonté politique manque pour permettre leur développement dans tous les départements et que l’assistance au suicide est une solution facile et économique.
Afin de rassurer l’opinion publique, l'Académie fait la distinction avec l’euthanasie (où le produit mortel est administré par le médecin ou le soignant lui-même), en ajoutant que « l'euthanasie, à la différence du suicide assisté, transgresse le Serment d'Hippocrate - “Je ne provoquerai jamais lamort” - prêté par tout médecin ». Même si la nature de l’acte diffère par le fait que la participation du médecin est active dans l’euthanasie et indirecte dans l’assistance au suicide, il n’en reste pas moins que l’intentionnalité reste la même dans les deux cas. Il s’agit de conforter la personne, qui se trouve dans une situation de vulnérabilité, dans le sentiment que sa vie n’est pas digne d’être vécue et de lui proposer la manière d’y mettre fin. C’est l’approbation et l’assistance à une personne qui demande la mort. Au nom de la liberté et de l’autonomie du patient, le médecin ou le soignant devient un tiers, instrumentalisé pour participer à un acte qui vient s’opposer à l’esprit du serment d’Hippocrate et à sa vocation de soignant.
Créer un nouveau droit au suicide contribuerait à renforcer la peur de « mal mourir », ainsi que la tendance de plus en plus forte à évincer la mort de notre société, et par la même à renforcer un pseudo sentiment d’indignité chez les personnes vulnérables ou âgées. La proposition d’une assistance au suicide pourrait se transformer en injonction, la personne ne s’autorisant plus le droit de continuer à vivre. Aider à mourir ne sera jamais un soin, et il est étonnant que l’Académie nationale de médecine en vienne à déformer ce principe. Soigner, c’est se sentir responsable devant la plainte de l’autre, c’est utiliser ses compétences, son humanité et son énergie pour y répondre. Soigner, c’est tenter de soulager la souffrance et non pas aider le souffrant à se supprimer. Je me refuse à envisager une société où des personnes souffrantes, âgées, vulnérables se rendraient chez leur pharmacien, puis rentreraient chez elles mourir seules…