Lors d’une réunion stratégique organisée à l’Élysée, le 3 avril, le président Emmanuel Macron et plusieurs ministres, dont Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail, ont remis sur la table un sujet hautement inflammable : une nouvelle réforme de l’assurance-chômage. L’objectif ? Réduire le déficit public, qui continue de se creuser sous la pression des dépenses militaires et d’un ralentissement économique mondial aggravé par la guerre commerciale engagée par les États-Unis.
Assurance-chômage : les chômeurs à nouveau dans le viseur du gouvernement

Un nouveau tour de vis sur fond de déficit public
Au sortir de cette réunion tenue au 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré, aucune décision n’a été annoncée. Pourtant, l’évocation même d’une réforme de l'assurance-chômage a suffi à faire monter la tension. Selon Le Monde, le gouvernement n’a pas encore tranché, mais reconnaît que le dossier est bien « posé sur la table ». Et pour cause, dans le contexte actuel, l’assurance-chômage représente une variable d’ajustement budgétaire tentante.
Le cabinet de la ministre du Travail s’est défendu en affirmant qu’il ne s’agissait que d’« une source possible d’économies, parmi d’autres mesures », dans des propos rapportés par BFMTV. Une formule qui laisse entendre que la réforme est loin d’être une simple hypothèse. Cette orientation soulève d’autant plus de crispations qu’elle survient alors que la dernière convention d’assurance-chômage, signée en novembre 2024, vient tout juste d’entrer en vigueur pour une durée de quatre ans.
Des réformes successives aux effets ambivalents
La précédente réforme, lancée en 2019, a déjà drastiquement remodelé le paysage. Selon une évaluation publiée début avril 2025, elle a réduit de 12 % la durée moyenne d’indemnisation… mais au prix d’une baisse de 18 % de l’allocation quotidienne moyenne, soit 6 euros par jour. Autrement dit, un gain comptable certain pour l’État, mais une perte sèche pour les bénéficiaires.
La convention actuelle, pourtant fraîchement entrée en vigueur le 1er avril 2025, n’est pas en reste. Parmi ses principales mesures : la mensualisation du versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) à 30 jours fixes, la réduction du plafond des jours non travaillés pris en compte dans le calcul à 70 %, et la suppression du complément de fin de droit. Des ajustements que le gouvernement qualifie d’« efforts de responsabilisation », et que les syndicats traduisent en une érosion continue des droits.
Une exaspération syndicale face à la méthode
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, ne décolère pas. Dans une interview publiée dans Les Échos, elle dénonce une concertation fictive : « Si le gouvernement veut toucher encore à l’indemnisation des chômeurs, qu’il ne le fasse pas en catimini, qu’il ouvre le débat ! ».
Elle ajoute : « Ce n’est pas en faisant les poches des demandeurs d’emploi que l’on va résoudre les problèmes du pays ». La syndicaliste reproche au gouvernement une stratégie d’économie de court terme, qui néglige les impacts sociaux à long terme. « Je suis lucide sur le besoin de mesures économiques pour préserver l’activité. Mais renvoyer à plus tard la gestion des conséquences sociales, ce n’est plus possible ! », déclare-t-elle dans la même interview.
Le gouvernement dans une impasse stratégique ?
Alors que la France cherche à rassurer les marchés et à financer ses engagements militaires, le gouvernement semble vouloir jouer la carte du sacrifice social pour sauver la note souveraine. Une stratégie risquée, tant politiquement qu’économiquement. La précédente réforme des retraites avait déjà mis les nerfs du pays à rude épreuve. Faut-il vraiment rééditer l’opération ?
La question est d’autant plus épineuse que le système d’assurance-chômage n’est pas financé exclusivement par l’État : il repose sur une gestion paritaire via l’Unédic, où siègent syndicats et organisations patronales. Or, ces derniers viennent de parvenir à un accord validé par l’exécutif. Passer outre cette gouvernance reviendrait à rompre un équilibre déjà fragile.