En tentant de défendre les Zones à Faibles Émissions (ZFE), la ministre de la Transition écologique a prononcé une phrase qui cristallise un fossé de plus en plus béant entre l’action publique et les réalités sociales. Un écart que ni les chiffres ni les justifications précipitées ne parviennent à masquer.
Automobile : l’absurde argument du gouvernement pour défendre les ZFE

Le 8 avril 2025, sur le plateau de BFM TV, Agnès Pannier-Runacher a tenu des propos concernant les ZFE, qui ont immédiatement embrasé le débat politique : « Les moins riches, ils n’ont pas de voiture. » Une déclaration que l’on pourrait croire sortie d’un mauvais sketch politique, si elle n’avait pas été formulée par une ministre en exercice, en pleine défense d’une mesure gouvernementale contestée. Derrière l’intention affichée de justifier les Zones à Faibles Émissions (ZFE), c’est une illustration saisissante d’un exécutif qui, trop souvent, parle sans connaissance du réel.
ZFE : quand le pouvoir perd le contact
On aurait pu croire à une erreur de communication. Une maladresse, comme on en voit passer parfois, vite rattrapée. Mais non. La ministre de la Transition écologique persiste. Elle se justifie : si les « moins riches » n’ont pas de voiture, c’est donc qu’ils ne sont pas concernés par les ZFE.
Il est étonnant qu'une ministre peut ignorer que les populations les plus modestes sont non seulement équipées de véhicules, mais que ceux-ci sont souvent anciens, diesel, polluants, donc directement visés par les restrictions.
Statistiques ou réalités ? La réponse du terrain face aux propos de la ministre sur les ZFE
À ceux qui s’interrogent encore sur la véracité des propos de la ministre, certains chiffres peuvent donner l’illusion d’un fondement. Selon les données du SDES, une fraction non négligeable des foyers les plus pauvres n’a pas de voiture. Mais la majorité des Français "les moins riches" possèdent bien une voiture, mais souvent datée et à bout de souffle.
Ainsi, l’âge moyen d’un véhicule dans les foyers du premier décile de revenus dépasse treize ans. Treize ans, c’est précisément l’intervalle ciblé par les interdictions des ZFE dans leur forme actuelle. Ce ne sont donc pas les riches conducteurs de SUV hybrides qui se retrouveront à pied. Mais bien ces Français-là, oubliés des aides, exclus des villes.
Alors quand une ministre affirme que les pauvres n’ont pas de voiture, elle donne la mesure du fossé qui sépare la technocratie gouvernementale des préoccupations quotidiennes de ses concitoyens.
Une défense précipitée, un discours sans consistance
Face à la déferlante d’indignation, Agnès Pannier-Runacher a cru bon de corriger le tir sur les réseaux sociaux. Elle évoque « 4,3 millions de Français sans accès à un moyen de transport individuel ou collectif ». Elle parle de santé publique, de pollution, de morts prématurées.
Car l’enjeu n’est pas là. Il ne s’agit pas de contester l’urgence climatique, ni de nier l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique. Ce que soulignent les critiques, y compris au sein de l’hémicycle, c’est l’incapacité persistante du gouvernement à articuler justice sociale et transition écologique.
Réactions en chaîne et fracture politique
L’opposition ne s’est pas fait prier. À l’Assemblée, les invectives ont fusé. Marine Le Pen a évoqué une ministre « qui appauvrit, persécute et insulte les automobilistes ». Nicolas Dupont-Aignan a réclamé la suppression des ZFE, dénonçant « une insupportable méconnaissance de la réalité ». Mais au-delà de ces réactions prévisibles, c’est la défiance grandissante vis-à-vis de la parole publique qui inquiète.
Dans un contexte où l’exécutif s’efforce de contenir les colères sociales, cette déclaration sonne comme une provocation de trop.
La déclaration d’Agnès Pannier-Runacher n’est pas qu’un incident. Elle est le symptôme d’un mal plus profond : celui d’un pouvoir qui parle de justice sociale en langage d’expert, et qui finit par confondre le réel avec une moyenne nationale. On ne construit pas une politique publique sur un pourcentage. On la construit sur des existences.