France-Algérie : François Bayrou veut renégocier l’ensemble des accords

La France et l’Algérie sont à nouveau au centre de tensions diplomatiques. Le Premier ministre François Bayrou a annoncé vouloir revoir l’ensemble des accords entre les deux pays, notamment ceux de 1968.

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Par Grégoire Hernandez Publié le 27 février 2025 à 8h57
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France-Algérie : François Bayrou veut renégocier l’ensemble des accords - © PolitiqueMatin

Les accords de 1968 avec l'Algérie : un régime d’exception remis en question

Le 26 février 2025, François Bayrou a annoncé que la France allait demander à l’Algérie de réexaminer l’ensemble des accords bilatéraux, notamment ceux liés à l’immigration. Cette déclaration, faite à l’issue d’un comité interministériel consacré au contrôle de l’immigration à Matignon (CICI), intervient dans un contexte particulièrement tendu entre les deux pays.
Les accords de 1968, qui accordent aux ressortissants algériens un statut migratoire spécifique en France, sont désormais pointés du doigt. François Bayrou justifie cette demande par la difficulté pour la France de renvoyer des ressortissants algériens sous obligation de quitter le territoire (OQTF). L’attaque de Mulhouse, où un Algérien de 37 ans en situation irrégulière est suspecté d'avoir poignardé plusieurs personnes, a renforcé la pression politique sur ce sujet. La France avait tenté d'expulser cet homme avec une OQTF à 14 reprises sans y parvenir.
Selon le Premier ministre, "la situation sur les OQTF est inacceptable", insistant sur le fait que l’Algérie refuse régulièrement de reprendre certains de ses ressortissants.

Les accords franco-algériens de 1968 permettent aux Algériens d’obtenir plus facilement un titre de séjour, un accès facilité à l’emploi et des conditions plus souples pour s’établir en France. Ils constituent une exception dans le cadre de la politique migratoire française et européenne.
Or, depuis plusieurs années, ces accords sont régulièrement critiqués. La droite et l’extrême droite dénoncent une "situation de passe-droit", tandis que d’autres estiment qu’ils ne sont plus adaptés aux réalités migratoires actuelles. Selon François Bayrou, ces accords "ne sont pas respectés" par l’Algérie, notamment en raison du refus de réadmettre certains de ses ressortissants expulsés par la France pour situation irrégulière.
Dans ce cadre, le Premier ministre met la pression sur Alger en lui donnant "un délai d’un mois à six semaines" pour discuter d’une refonte des accords. Faute de réponse, la France pourrait prendre des mesures unilatérales.

Propos de Bayrou : un risque d’escalade diplomatique avec Alger ?

Si François Bayrou assure qu’il n’y a pas de volonté de "surenchère", cette annonce n’a pas tardé à susciter une réaction en Algérie. Avant même la conférence de presse de Matignon, Alger avait averti que toute sanction contre ses ressortissants aurait des "conséquences incalculables".
Les relations entre la France et l’Algérie sont déjà fragiles. En janvier 2025, l’Algérie a refusé de reprendre un influenceur prénommé Doualemn, qui a tenu des propos très injurieux sur le réseau social TikTok, malgré les demandes des autorités françaises. Par ailleurs, concernant l’incarcération depuis novembre 2024 de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal en Algérie et sa grève de la faim (entamée le 17 février), le Premier ministre François Bayrou a évoqué "sa grande inquiétude" concernant "la santé et la pression" exercées sur l'intellectuel.
D’un point de vue économique, un durcissement des relations pourrait également affecter les échanges commerciaux. En 2023, l’Algérie a augmenté ses exportations d’hydrocarbures vers la France de 15 %, sur fond de guerre en Ukraine.

Jusqu’ici, Emmanuel Macron s’est montré réticent à renégocier les accords avec l’Algérie, préférant maintenir une approche diplomatique prudente. Toutefois, la montée des critiques en France et l’attaque de Mulhouse pourraient le contraindre à adopter une ligne plus ferme.
Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a d'ailleurs rappelé le 25 février 2025 à BFMTV que "durcir le ton avec Alger n’a pas toujours produit les résultats escomptés", en référence aux tensions migratoires passées. L’Élysée devra donc choisir entre le pragmatisme diplomatique et la pression politique interne.
Si l’Algérie refuse d’engager un dialogue, la France pourrait dénoncer unilatéralement les accords, une issue que François Bayrou n’a pas exclue.
Le Conseil de la nation, équivalent du Sénat en Algérie, a annoncé le 25 février 2025 la suspension de ses relations avec le Sénat français. Cette décision fait suite à la visite, le 23 et le 24, du Président du Sénat Gérard Larcher au Sahara occidental, un territoire où l’Algérie soutient les indépendantistes du Polisario contre le Maroc.

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