La Commission européenne a validé la prolongation de dix ans des réacteurs nucléaires Doel 4 et Tihange 3, un revirement majeur pour la Belgique qui avait initialement prévu d’abandonner cette énergie en 2025. Si cet accord sécurise l’approvisionnement énergétique du pays, il impose aussi à Engie une facture de 15 milliards d’euros.
Belgique : la Commission européenne valide la prolongation de deux réacteurs nucléaires

Un revirement politique imposé par la crise énergétique
Depuis 2003, la Belgique s’était engagée dans une sortie progressive du nucléaire, avec une fermeture programmée de tous ses réacteurs d’ici 2025.
Mais la guerre en Ukraine a brutalement changé la donne. L’envolée des prix de l’énergie et la dépendance au gaz russeont révélé les faiblesses du modèle belge. Face à cette crise, le gouvernement a négocié un accord avec Engie et EDF pour prolonger Doel 4 et Tihange 3 jusqu’en 2035. L’objectif : assurer une stabilité énergétique et éviter une explosion des coûts de l’électricité.
La Commission européenne, après avoir analysé cette prolongation sous l’angle de la concurrence, a donné son feu vert en février 2025. Le ministre de l’Énergie, Mathieu Bihet, a salué cette décision, qu’il considère comme un élément clé pour la souveraineté énergétique du pays.
Si la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 semble répondre à un impératif économique, elle soulève aussi un intense débat politique en Belgique. Le gouvernement dirigé par le conservateur Bart De Wever, arrivé au pouvoir en février 2025, a clairement affiché son ambition d’aller bien au-delà de cette simple prolongation.
Le Premier ministre flamand souhaite en effet maintenir d’autres réacteurs en activité et lancer la construction de nouvelles capacités nucléaires. Son objectif : doubler la production nucléaire belge pour atteindre 8 gigawatts, contre 4 gigawatts actuellement.
Mais cette orientation se heurte à une forte opposition. Certains partis politiques dénoncent une trahison des engagements écologiques et une remise en question de la loi de 2003, toujours en vigueur, qui prévoit une sortie totale du nucléaire. Or, toute modification nécessitera un vote au Parlement.
Les partis écologistes, tels qu'Ecolo et Groen, dénoncent la prolongation des réacteurs Doel 4 et Tihange 3, affirmant qu'elle compromet la transition énergétique et retarde le développement des énergies renouvelables. De leur côté, les partis libéraux et conservateurs, notamment le Mouvement Réformateur (MR) et la N-VA, défendent cette décision, estimant que le nucléaire est indispensable pour assurer la stabilité des prix de l’électricité et garantir l’indépendance énergétique de la Belgique.
Nucléaire en Belgique : un enjeu diplomatique et européen
La Belgique ne pouvait pas prolonger ses réacteurs sans l’aval de la Commission européenne, qui veille à ce que ces décisions ne faussent pas la concurrence sur le marché de l’énergie.
Bruxelles a validé cette aide publique, mais à certaines conditions financières. L’État belge a dû apporter des garanties pour éviter que les risques financiers liés au nucléaire ne soient totalement assumés par le contribuable. De plus, plusieurs pays de l’UE, comme la France, poussent pour une reconnaissance du nucléaire comme une énergie stratégique et décarbonée.
La prolongation de Doel 4 et Tihange 3 est un premier pas, mais elle ouvre aussi la voie à un bouleversement plus large de la politique énergétique belge. Si l’accord avec Engie et EDF a été validé par Bruxelles, le débat politique en Belgique est loin d’être tranché.