Biarritz sommée de débaptiser un quartier à connotation discriminatoire

Un nom, un panneau, une station de train, et puis soudain : une injonction judiciaire. À Biarritz, le quartier « La Négresse » devra être débaptisé. Pas par choix, mais par décision de justice. Le bras de fer engagé depuis six ans entre la commune et les défenseurs de la mémoire vient de prendre fin.

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By Grégoire Hernandez Published on 18 avril 2025 13h00
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Biarritz sommée de débaptiser un quartier à connotation discriminatoire - © PolitiqueMatin

À Biarritz, une vieille appellation municipale vient de tomber sous le couperet de la justice. Mais au-delà de l’affaire en apparence toponymique, c’est toute la mécanique entre pouvoir local et cadre national qui s’expose.

Une ligne de fracture entre pouvoir local et décision nationale

Quand la cour administrative d’appel de Bordeaux a ordonné, le 6 février 2025, à la mairie de Biarritz de supprimer le nom « La Négresse » de ses registres, la réponse n’a pas traîné : recours immédiat de la municipalité pour contester ce qu’elle appelait une erreur matérielle.
Mais la cour a maintenu sa position, estimant que le terme portait atteinte à la dignité humaine. La Ville, elle, assurait que la délibération de 1861 citée ne concernait qu’un lac aujourd’hui disparu. L’argument est tombé à plat. Pour les magistrats, l’erreur invoquée venait d’abord de la mairie elle-même, qui s’était appuyée sur ce texte dans ses propres conclusions.

Une stratégie politique à double tranchant

La maire Maider Arostéguy (LR) n’a jamais caché son intention de défendre ce qu’elle considère comme un ancrage local. Un quartier familier, connu de tous, sans volonté discriminatoire selon ses mots. Mais en s’opposant frontalement à la justice, elle a déplacé le combat sur un terrain plus glissant : celui des valeurs.
Pour Karfa Diallo, fondateur de l’association Mémoires et Partages, le discours ne passe pas. Il dénonce des arrière-pensées électorales : « Jouer avec des principes aussi fondamentaux de la dignité de la personne pour des raisons électoralistes, c’est déplorable, c’est indigne ».
En six ans, aucun document formel n’a pu justifier le maintien officiel du nom. Et la SNCF, elle, n’a pas attendu la justice : la gare s’appelle désormais simplement « gare de Biarritz ».

Mémoire locale, autorité républicaine : un conflit récurrent à Biarritz 

Biarritz n’est pas un cas isolé. D’autres communes françaises se heurtent à la même question : faut-il débaptiser un lieu quand son nom heurte la sensibilité contemporaine, même si l’intention historique n’était pas offensante ? En d’autres termes : qui décide de ce qu’un mot signifie aujourd’hui ?
Le conflit est ancien. Mais le droit, lui, est clair : la liberté des collectivités ne peut se faire au détriment des principes constitutionnels, dont la dignité de la personne humaine fait partie intégrante.
C’est cette boussole que la justice a suivie dans l’affaire biarrote. Et si la commune a annoncé un conseil municipal le 5 mai 2025 pour se conformer à la décision, elle a aussi saisi le Conseil d’État. Un ultime recours.

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