L’Union européenne s’est engagée sur la voie de la neutralité carbone d’ici 2050, imposant des normes strictes aux constructeurs automobiles. Pourtant, sous la pression des gouvernements français et allemands et des industriels, Ursula von der Leyen annonce un assouplissement des règles sur les émissions de CO2 en 2025.
Transition électrique : Bruxelles cède-t-elle sous la pression des industriels ?

Bruxelles face à un dilemme entre écologie et économie
Jusqu’ici, la politique climatique de l’Union européenne en matière de transport ne souffrait d’aucune ambiguïté. À partir de 2025, chaque constructeur devait respecter un seuil maximal d’émissions de 81 grammes de CO2 par kilomètre, sous peine de lourdes amendes. Mais cette trajectoire ambitieuse s’est heurtée à une réalité économique préoccupante :
- Des ventes de voitures électriques en recul : en 2024, elles ne représentaient que 13,6 % des ventes en Europe, contre 14,6 % en 2023.
- Une industrie en difficulté : Luca de Meo, directeur général de Renault, estimait que les amendes pour non-respect des objectifs pourraient atteindre 15 milliards d’euros pour l’ensemble du secteur.
- Une pression politique croissante : La France et l’Allemagne, principaux soutiens de leurs champions nationaux, ont multiplié les interventions auprès de la Commission européenne pour obtenir un réajustement des règles.
Consciente des risques économiques, la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen annonce une nouvelle approche : les constructeurs ne seront plus jugés année par année, mais sur une moyenne de leurs émissions de 2025 à 2027.
Un arbitrage sous influence des États et des lobbies industriels
Si cet assouplissement apparaît comme un compromis, il révèle surtout la capacité des industriels à infléchir la politique européenne. Plusieurs éléments en témoignent :
- Un lobbying intense des constructeurs : des groupes comme Renault, Stellantis et Volkswagen ont plaidé pour une transition plus progressive depuis le mois de septembre 2024, arguant que les infrastructures de recharge et la demande des consommateurs n’étaient pas prêtes pour un passage brutal au tout-électrique.
- Le rôle clé de la France et de l’Allemagne : Paris et Berlin, premiers concernés par d’éventuelles sanctions contre leurs constructeurs nationaux, ont poussé en coulisses pour une adaptation des règles.
- L’ACEA en première ligne : L’Association des constructeurs européens d’automobiles, qui représente les grandes marques du secteur, a activement défendu une période de transition élargie, soulignant que la concurrence des constructeurs chinois risquait de fragiliser davantage les industriels européens.
En réponse, la Commission européenne a conçu un système de "crédits d’émissions", permettant aux entreprises les plus vertueuses de vendre des droits à polluer à celles en retard. Un dispositif qui, s’il limite l’impact immédiat de la réforme, risque de ralentir l’adoption des véhicules propres.
Une décision qui divise la classe politique européenne
Loin de faire consensus, cet ajustement réglementaire a immédiatement suscité des réactions contrastées. Les défenseurs du climat dénoncent un recul de la politique environnementale de l’UE :
- L’ONG Transport & Environment parle d’un "cadeau sans précédent" aux constructeurs et estime que ce report pourrait entraîner 50 mégatonnes de CO2 supplémentaires d’ici 2030.
- Certains eurodéputés écologistes s’insurgent, craignant que cet assouplissement devienne un précédent ouvrant la porte à d’autres reculs en matière climatique.
À l’inverse, d’autres acteurs politiques saluent une approche pragmatique :
- Stéphane Séjourné, commissaire européen en charge de la stratégie industrielle, défend une politique équilibrée : "Nous ne pénaliserons pas l’industrie que nous devons aider", insiste-t-il.
- Marc Ferracci, ministre délégué à l’Industrie en France, se félicite de ce réajustement, qui selon lui évite des sanctions excessives et préserve l’emploi dans le secteur automobile.
Ursula von der Leyen devra négocier avec le Parlement européen et le Conseil de l’Union pour faire adopter définitivement cet amendement réglementaire.