À quelques heures du début de la commission mixte paritaire (CMP), le gouvernement de François Bayrou prévoit un effort budgétaire inédit de 53 milliards d’euros, avec une réduction des dépenses publiques de 32 milliards. Pourtant, Charles de Courson, rapporteur du budget à l’Assemblée nationale, conteste vigoureusement ces chiffres.
Budget 2025 : les dépenses publiques ne seront pas maitrisées selon Charles de Courson
Budget 2025 : une présentation discutable des économies annoncées
« On ne peut pas parler d’austérité », affirme Charles de Courson dans une interview accordée aux Échos le 29 janvier 2025. Contrairement à ce qu’assure le gouvernement, les dépenses publiques continuent d’augmenter, avec une hausse de 27 milliards d’euros par rapport à 2024. Selon lui, les baisses de dépenses mises en avant par l’exécutif ne sont qu’un trompe-l'œil : une partie des économies annoncées repose sur une diminution des allègements de charges sociales, ce qui revient en réalité à une augmentation des prélèvements obligatoires.
Le député précise que l’approche du gouvernement repose sur une comparaison avec une trajectoire tendancielle des dépenses, alors qu’un calcul basé sur le budget 2024 donnerait un résultat opposé : non pas 60 % d’économies et 40 % de recettes supplémentaires, mais l’inverse. Cette méthode comptable, selon lui, fausse la réalité et ne reflète pas une réelle maîtrise de la dépense publique.
Au-delà de la structure du budget, Charles de Courson s’inquiète également des prévisions économiques sur lesquelles il repose. Certes, l’exécutif a déjà revu à la baisse son hypothèse de croissance pour 2025, passant de 1,1 % à 0,9 %, mais ce chiffre reste, selon le rapporteur du budget, encore trop optimiste. « Le consensus des économistes est plus proche de 0,7 % », explique-t-il, soulignant que cette surestimation pourrait entraîner un manque à gagner de 6 milliards d’euros en recettes fiscales.
L’inflation prévue est pareillement jugée irréaliste par rapport à la dynamique des prix, ce qui pose un risque supplémentaire pour la crédibilité des objectifs budgétaires. Or, un écart entre les prévisions et la réalité économique pourrait accentuer le déficit budgétaire et rendre caduques les efforts annoncés.
Des mesures fiscales fragiles sur le plan juridique
Au-delà des chiffres, une autre incertitude pèse sur l’équilibre budgétaire : la légalité de certaines mesures fiscales. Deux dispositifs clés du projet de budget 2025 – la surtaxe exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés (8 milliards d’euros) et la contribution sur les hauts revenus (2 milliards d’euros) – pourraient être censurés par le Conseil constitutionnel. En cause : leur application rétroactive sur l’ensemble de l’année, qui pose un sérieux problème de conformité avec le droit fiscal.
« J’entends que le gouvernement essaie de trouver des solutions, mais il ne les a pas encore présentées », souligne Charles de Courson. Si ces mesures venaient à être invalidées, c’est une perte sèche de 10 milliards d’euros pour le budget de l’État, ce qui aggraverait encore le déficit public au-delà des 5,4 % du PIB prévus.
Face à ces incertitudes, Charles de Courson estime que tout est réuni pour un dérapage budgétaire. Entre hypothèses économiques optimistes, mesures fiscales contestables et absence de réformes structurelles sur la dépense publique, l’équilibre budgétaire semble fragile.
Le député pointe en particulier l’absence de contrôle sur la dépense sociale, principal moteur de l’augmentation des dépenses publiques ces vingt dernières années. Les collectivités locales, malgré une réduction des dotations de 2,2 milliards d’euros, ne seront pas soumises à un véritable mécanisme de régulation. Quant aux économies prévues sur les ministères et les opérateurs de l’État, elles restent floues.
En définitive, loin d’un effort budgétaire historique, le budget 2025 repose sur des fondations fragiles. Charles de Courson appelle à plus de réalisme et de rigueur pour éviter que la dette publique ne continue de dériver. Reste à voir si la commission mixte paritaire apportera des ajustements ou si le gouvernement devra recourir une fois de plus à l’article 49.3 pour faire passer son texte en force. La survie politique du gouvernement Bayrou serait alors extrêmement compromise.